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Un visiteur du soir

C’était en juillet dernier. Il faisait chaud, très chaud même. La fenêtre de la cuisine était grande ouverte sur la nuit, ainsi que la porte-fenêtre du salon devant laquelle j’avais pris soin de tirer le rideau. J’étais assise dans mon divan, captivée par un film. Captivée est le bon mot. Je venais de découvrir que les filles aussi possèdent un potentiel de violence qu’il ne fait pas bon d'affronter ! L’histoire relatait la vie d’une adolescente qui avait voulu tuer sa mère avec un couteau de cuisine. Elle se retrouve en centre fermé et alors qu’elle veut faire de la mécanique, on s’entête à lui proposer des formations en couture ou coiffure. J’étais scandalisée. C’est vrai enfin, on n’est plus au Moyen-âge où on obligeait les filles à tricoter des slips pour les moines ! C’est alors qu’un bruit d’objet brisé se fit entendre dans mon dos. Je ne me retournai pas tout de suite. Il faut me comprendre : moi qui ai eu trois filles bien sous tous les rapports, pourquoi ne laissait-on pas sa chance à cette petite, qui venait de se découvrir une vraie passion ? J’en voulais déjà à mon chat de m’avoir dérangé dans cette histoire palpitante. Ce n’est qu’au deuxième bruit de froissements et heurts divers que je me levai et allumai la lampe principale. Je pris soin de bien regarder partout par terre. Quelque chose était tombé, je devais nécessairement l’y trouver. Rien. Rien de rien. Pas même le bout de la queue du chat. J’étais soulagée. Je me suis remise dans le fauteuil et ai pu savourer la victoire finale de la gamine. 

Le lendemain matin, celui qui partage ma vie depuis près de quarante-cinq ans, m’a demandé d'un air plus curieux que contrarié : « Tiens, aurais-tu cassé un verre, un bocal, une bouteille ? », en me montrant quelques petits éclats de verre disséminés sur la table. À mon air ahuri, il comprit de suite que j’étais l'incarnation même de l'innocente naïve. D’où pouvaient bien provenir ces morceaux épais comme la vitre d’un pare-brise ? Nous tournâmes la tête instinctivement vers le sol, à la recherche d’une preuve. Rien. Ce n’est qu’au bout d’un moment que nos yeux se posèrent sur notre vaisselier. Une des neuf vitres avait volé en éclats. Celle tout en haut à droite. On y décelait un trou d’impact net bien rond au milieu du verre trempé en millefeuille ... À partir de là les hypothèses ont fusé. Mon époux penchait pour une bataille de chats, tout en reconnaissant qu'il aurait fallu qu'ils soient sacrément acrobatiques. Mis au courant par whatsapp, mon beau-fils prétendit mordicus que quelqu’un avait voulu attenter à ma vie. Le trou au milieu de la vitre démontrait clairement un impact de balle. Mais dans ce cas, soit le rideau aurait dû être troué (ce qui n’était pas le cas), soit la balle aurait dû virer à angle droit une fois arrivé au salon. Pour le moins, on aurait dû retrouver une douille ou un plomb. Mon petit-fils affirma très solennellement que j’avais reçu la visite d’extraterrestres. Ma fille me demanda la référence du film. Ma petite-fille estima quant à elle que c’était sans doute un oiseau. Un oiseau de nuit. Ceci au final, mit tout le monde d’accord. Un oiseau de nuit s’était fourvoyé dans la maison, attiré sans doute par la lumière de la télévision. Se rendant compte du piège il avait fait volte-face, heurté du bec la vitre du vaisselier et après quelques secondes de panique était reparti vers la nuit. Ah ! Que ne me suis-je pas retournée tout de suite ! Je l’aurais vu de mes yeux vu, ce visiteur de nuit ! Une chauve-souris gros calibre ? Un engoulevent ? Un rapace nocturne ?

Toute observation permettant d'identifier à coup sûr l'oiseau incriminé sera la bienvenue. Dans une enquête, le moindre détail a son importance. Us et coutumes, comportements habituels et/ou déviants, anecdotes... La nature a décidément plus d'un tour dans son sac!

Texte et photo: Anna Blum

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