ou la réflexologie plantaire
Nathalie Vabres
Souriante, discrète et furtive comme son chat, Nathalie s’est établie dans la petite ville de Die, après un passage éclair dans les Hautes-Alpes. Elle exerce sur qui le veut, un savoir ancien du bout des doigts. Peut-être restera-t-elle, peut-être pas. Mais, elle peut voyager léger. Son art ne pèse pas plus que ses dix doigts !
Anna Blum : raconte-nous ton parcours Nathalie. Comment tu es devenue réflexologue plantaire ?
Nathalie Vabres : j’ai commencé par suivre un IUT d’informatique (Institut Universitaire de Technologie). Plus par indétermination que par conviction. Je ne me voyais pas du tout fabriquer des logiciels, même si, à cette occasion, je me suis découverte une grande facilité à repérer les erreurs dans un programme ! Quand mon père est décédé, j’ai dû trouver du travail et j’ai passé le concours pour devenir factrice. Je le suis restée sept ans. Mes tournées comprenaient autant les quartiers populaires que les quartiers huppés de Grenoble. Affronter les mauvaises humeurs des clients et rester affable s’est cependant avéré plus dur qu’affronter le mauvais temps ! Au bout de sept ans, j’ai dû abandonner entre autres pour cause de « bruxisme diurne », qui est le nom savant donné au grincement de dents. Ensuite, j’ai travaillé trois ans dans une librairie. Dix années d’apprentissage approfondi des relations humaines... Une ex-collègue m’a pour la première fois parlé de réflexologie plantaire.
Elle m’a invitée à l’accompagner au centre qui assurait des cours. Et là, dès le premier jour, je me suis sentie au bon endroit, au bon moment. J’avais enfin trouvé ma place !
AB : qu’est-ce exactement la réflexologie plantaire, comment « ça marche » ?
NV : c’est une pratique très ancienne dont on a retrouvé des traces sur un papyrus qui date de 2300 ans av. J.-C. On y voit des Égyptiens se masser l’un l’autre le pied, assorti d’une exhortation : « Ne me fais pas mal ! ». La réponse est une quintessence de cet art : « Je ferai en sorte que tu me remercies ! » Ils avaient découvert cette chose étonnante, que tout le corps humain est représenté dans les pieds. Stimuler des zones réflexes revient à agir sur les zones concernées du corps : le cœur, les poumons, la colonne, le système nerveux... Le pied recèle environ trois mille terminaisons nerveuses par centimètre carré. On comprend mieux dès lors l’effet de détente qui se dégage en massant le pied !
NV : oui, et le réflexologue sait très précisément où il se trouve ! À certains endroits, je sens véritablement la forme de l’organe que je traite. Mais, l’intention demeure primordiale. Comme une volonté de faire du bien. Pas dans le sens d’un jugement moral. La personne sait ce qui est bon pour elle. Moi, j’aide simplement les organes à faire leur travail, afin que le corps retrouve son équilibre (si tant est qu’il soit rompu !) Ma manière de masser vise à transmettre une douceur mêlée à de la fermeté. Mais chacun réagit de façon différente, chaque pied se révèle différent. Je ne connais pas d'avance la façon dont la séance va se dérouler et mes sensations varient et me surprennent à chaque fois
AB : la structure est pourtant la même, les petits os, les tendons, les ligaments et
les muscles ?
NV : en effet, des constantes apparaissent aussi. Quand le pied a reçu suffisamment d’informations par exemple, les crampes peuvent s’installer... Mais, il s’agit avant tout de physiologie globale. Comprendre comment fonctionnent les organes. Ceux qui s’appuient l’un l’autre à l’intérieur des différents systèmes : respiratoire, digestif, immunitaire... Surtout si une personne vient avec une demande spécifique, on ne travaille pas uniquement la zone ou l’organe concernés !
AB : la pratique nous aiderait à prendre conscience de notre façon de marcher, à améliorer notre posture globale ?
NV : après une heure de massage des pieds, on va miraculeusement retrouver le contact avec le sol. Debout sur nos deux pieds, on les sollicite sans arrêt, alors qu’ils sont souvent maltraités ou relégués aux oubliettes. Mais, qu’une douleur se manifeste à cet endroit et nous voilà paralysés ! Ressentir le sol, pour se relier aux énergies premières. Dans l’agriculture écologique ou biologique, nourrir la terre revêt une importance toute particulière. Il en va de même pour le corps humain. Marcher consiste aussi à chercher constamment l’équilibre entre les pieds et la colonne, entre les pieds et le reste du corps. Le résultat de mauvaises postures se répercute d’office sur les pieds. Inversement, en agissant sur les pieds on tente de tout remettre droit en douceur. Relié aux énergies premières, aux énergies de la terre, un léger toucher avec l’intention bien présente, fait de l’effet en profondeur. On n’est pas obligé de malaxer en force !
AB : la Drôme est un pays de randonneurs, une aubaine pour les réflexologues ?
NV : la réflexologie plantaire constitue évidemment une excellente façon de prendre conscience de notre manière de marcher. Comment pose-t-on le pied au sol, comment le pied se déroule-t-il. Une bonne préparation donc à la randonnée et travailler en groupe peut s’avérer amusant. Chacun apprend à masser les pieds de son voisin avant de se mettre en route, et au retour la pratique procure une vraie détente après l'effort !
AB : aucun outillage particulier n'est nécessaire ?
NV : aucun ! Et c’est là un des aspects intéressants de cet art. Partout où je vais, mon outil de travail se trouve « sous la main » ! Dénicher un endroit confortable pour les deux parties est toujours possible. Une des raisons pour laquelle je cherche à m’initier à toutes sortes de techniques qui n’ont pas besoin de matériel spécifique. Sans pour autant me lancer dans les massages nus, avec lesquels je ne me sens pas à l’aise. Une des dimensions que j’apprécie dans la réflexologie plantaire consiste précisément dans cette distance respectueuse avec le patient, qui permet toutefois une action en profondeur.
AB : la carte des zones réflexes montre une différence entre le pied droit et le pied gauche ?
NV : les organes ne sont pas symétriques, le corps n’est pas symétrique. Le cœur se blottit à gauche, le foie à droite... Mais, diverses approches existent, cartographiées en tant que telles. Les Chinois travaillent par exemple plus sur les méridiens que directement sur les organes.
AB : cette complémentarité entre orient et occident se retrouve dans l’art de la danse. Certains danseurs orientaux apprennent à placer d’abord les orteils au sol en lieu et place du talon. Ils caressent la terre au lieu de l’écraser, de la heurter.
NV : marcher sur les nuages. Induire cette forme de légèreté, de douceur. Ma première carte de visite montrait des pieds en forme de nuages. Après une heure de massage, si la personne lâche ses bagages, elle se sentira forcément plus légère, le contact avec le sol se vivra différemment !
NV : j’ai travaillé pendant deux ans comme bénévole dans une association grenobloise pour l’aide à la recherche en oncologie. L’association proposait une série de pratiques telles que la sophrologie, l’art-thérapie, la réflexologie. Les corps des malades sont trop douloureux pour recevoir des massages appuyés. L’effleurement est approprié dans cette écoute empreinte d’empathie. Une écoute active du pied et de la personne et qui permet une merveilleuse façon d’entrer en relation, avec des effets très précis, sur la digestion, sur les effets secondaires des traitements, sur l’énergie globale...
AB : ces approches "hors protocole" sont-elles prises en compte par le monde médical ?
NV : de plus en plus ! Ces méthodes ne requièrent ni outillages dispendieux ni beaucoup d'espace. Elles ne demandent que la présence et la disponibilité des acteurs. De plus, il y a là un gisement d’emplois utiles formidable !
Le site de Nathalie: www.au-petit-pied-a-terre.weebly.com
Photos et interview: Anna blum
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