Ce que les éléphantes nous enseignent
Les éléphantes d’Afrique pèsent jusqu’à quatre tonnes et peuvent mesurer quatre mètres au garrot. Épaisses, lourdes, DONC insensibles, maladroites ? Que nenni ! Leur peau fait certes deux centimètres d’épaisseur, mais dépourvue de glandes sudoripares, elle s’avère très fragile. Comment elles font pour ne pas se griller le cuir sur le dos sous le soleil africain (ou asiatique) ? Elles s’aspergent de poussière, d’eau, et se roulent dans la boue ! Attention, l’expression est à prendre au sens littéral : leur crème solaire ne soustrait rien à l’environnement, ne génère aucun déchet plastique ou chimique, ne les incite pas à un laisser-aller désinvolte sur la plage en se fichant de la montée des océans et des forêts qui brûlent.
Éléphante dans un magasin de porcelaine. L’esprit humain est quelquefois retors, mesquin et injuste. Avec sa trompe de deux mètres, sans os, et à peu près cent-cinquante-mille muscles (!), l’éléphante déplace délicatement les objets, boit, mange, s’asperge d’eau ou de poussière, fait des câlins, nage sous l’eau avec grâce en utilisant sa trompe comme un tuba. Il lui arrive de gronder son petit qui suce sa trompe, comme les bébés sucent leur pouce. Question éducation, les éléphantes ne sont pas en reste. Après avoir porté leur progéniture vingt-deux mois dans leur ventre, elles veillent — sous l’oeil attentif de la matriarche du troupeau — à ce que garçons et filles développent un esprit social empreint de solidarité et d’empathie. Vers l’âge de quinze ans, les garçons éléphant sont renvoyés du troupeau. Ils vont devoir apprendre à vivre seuls ou en bande de mecs. Pour s’affranchir de maman, rien de plus efficace. Deviens un homme mon fils. Arrête de te faire servir par tes grandes sœurs et de distraire ta mère qui gère les finances et l’économie du grand ménage. Parce que ce sont les éléphantes qui creusent le lit des rivières avec leurs pattes et leur trompe pour trouver l’eau quand celle-ci fait défaut. Quand elle jaillit ou sourd du profond de l’argile, croyez-vous qu’elles la jalousent, qu’elles la gardent pour elles seules et leur grande famille ? Que nenni ! Les autres animaux des savanes viennent s’y désaltérer sans qu’aucune éléphante ne les repousse de sa trompe, ou décide de se protéger avec du fil de fer barbelé. Ce sont elles qui guident la troupe à travers la savane et l’ensemencent des graines tenues au chaud dans leurs crottes. Crottes garde-manger gratuit pour les plus petits habitants de l’étendue savaneuse.
Les éléphantes éprouvent les mêmes émotions que nous. Elles pleurent leurs morts, ressentent de la compassion, se réconfortent l’une l’autre. Elles se sentent stressées quand les humains leur mettent des chaines autour des pattes et les privent de liberté. Pareil pour les éléphants.
L’éléphante a le sens de l’amitié. Quand elle chemine dans la savane sèche en compagnie d’une souris, elle ne joue pas de sa supériorité. T’as vu la poussière qu’on soulève derrière nous, lui fait remarquer la souris. Elle répond : c’est dingue, hein ! En étirant ses babines sous sa trompe agile, vers ses oreilles.
Texte et photo : Anna Blum
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