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Border Collies

Les chiens "qui ont l'oeil" ou le dressage des Border Collies

Jean-Rémi Lesurques


Originaire de la Marne, Jean-Rémi passait toutes ses vacances dans le Haut-Diois jusqu’à ce que l’amour pour Laure le décide à y rester. Grâce à l’élevage de brebis de ses beaux-parents, la passion pour les chiens de berger est venue parachever son bonheur de vivre à la montagne.

Anna Blum : Jean-Rémi, comment est née ta passion pour les Border Collies ?

Jean-Rémi Lesurques : quand on a décidé de vivre ensemble, Laure et moi, on a pris un Border Collie pour donner un coup de main dans l’exploitation agricole familiale. Ensuite on s’est lancé dans notre propre élevage de brebis (on possédait aussi quelques vaches) et l'aide des chiens s'est avérée indispensable. À la suite des attaques de loups, on a sensiblement augmenté le cheptel de Galloways (des vaches écossaises) et dû réduire le nombre de brebis. Dans le cadre de l’association de chiens de troupeaux de la Drôme et de l’Isère (*), et pour pouvoir exercer les chiens, il a fallu à nouveau en augmenter le nombre. C'était une question de respect des bêtes, au plus elles sont, au moins elles se fatiguent. Au dernier stage par exemple, les deux instructeurs utilisaient chacun une quarantaine de brebis.

* Association dont Jean-Rémi est président.

AB : cet entraînement est assez rare dans la région ?

JRL : les formations de chien de troupeau se développent petit à petit. Ils s'adressent soit aux exploitants agricoles (caprins, ovins, bovins), soit à des particuliers passionnés.


AB : et uniquement avec des Border Collies ?

JRL : non, dans les chiens de troupeau on trouve aussi des bergers des Pyrénées, des Beaucerons et d'autres races bergères.

AB : mais toi, ce sont les Border Collies qui t’intéressent.

JRL : seules les races bergères possèdent de l’instinct. Malheureusement, en France, l’unique race sélectionnée sur ses qualités de travail est le Border Collie. Les autres le sont

sur des critères de beauté et ont perdu leurs compétences innés. Par rapport aux quelques autres races de chiens de berger, la particularité des Border Collies réside dans leur

regard. On les appelle « les chiens qui ont de l’œil ». « L’œil » est cette capacité qu’a l’animal à pousser les brebis par la seule force de son regard. Il n’y a rien de magique dans le dressage, on ne fait qu’utiliser les capacités naturelles du chien : rabattre des bêtes, qu'il s'agisse de moutons de poules ou de cochons.

AB: comment fonctionne-tu concrètement avec ton chien?

JRL: si je me situe sur le cadran d’une montre à midi, le chien se positionnera à six heures. Si je me déplace sur la droite en suivant la ligne continue du cercle, le chien part sur sa droite et inversement. Il s’arrêtera sur son point d’équilibre (ou point de balance), c'est-à-dire en parfaite opposition avec moi.

AB : une véritable collaboration !

JRL : je le vois plutôt comme une symbiose. On associe le discernement humain, les compétences naturelles du chien, mais aussi l’intelligence de l’animal. S’il comprend que les brebis ont détecté un point de fuite, il se postera d'office à l’endroit qui lui permettra de les contrôler.

AB : tu utilises la voix et le sifflet de dressage ?

JRL : le cadre des ordres donnés au chien se doit d’être très précis et il s’agit de toujours le respecter. Le « Gauche ! Droite ! Stop ! Regard derrière ! » ne peut pas devenir « Tourne à gauche ! » etc. On va lui enseigner la différence entre une grande droite et une petite droite, un stop debout, un stop couché, un stop de ralentissement, on va lui inculquer à ne pas mordre les brebis, à garder ses distances, à ne pas aboyer, à toujours garder son cercle autour du troupeau. Et le sifflet

permet de donner des ordres codés très fins et très précis ainsi que la possibilité de travailler plus aisément de loin.

AB : l’apprentissage inclut des récompenses ?

JRL : pas de dressage sans éducation. La première année, le chien mémorise les notions de bien et de mal. Le bien égalera une caresse, le non correspondra à quelque chose de désagréable (taper du pied, élever la voix...). Il doit comprendre la différence entre les deux et une fois celle-ci acquise, on commence les exercices. Il devra endurer la pression qu’on va lui imposer. Les contraintes au quotidien feront qu’il acceptera plus facilement celles du travail. Mais, comme on utilise leurs capacités naturelles, le désir de s’exercer avec le maître sera très vite au rendez-vous. Le travail entre le maître et son chien doit être un moment privilégié de plaisir et de bonne humeur.

AB : en quoi un Border Collie se différencie-t-il d’un Patou ?

JRL : le Border Collie est un chien de conduite, le montagne des Pyrénées, dit Patou, est un chien de protection. Il se prend pour une brebis, il est introduit dans le troupeau et le troupeau représente sa famille. Il n’a pas la notion de maître. La plupart des chiens ne l’ont pas d’ailleurs, même si certaines choses peuvent lui faire penser ou lui rappeler une personne particulière.

AB : les concours priment la meilleure communication entre le berger et son chien?

JRL : c’est plus compliqué que ça ! Le but consiste de mettre en avant les compétences du chien, sa force, sa précision, son intelligence ainsi que les qualités de conducteur du maître, son appréciation de lecture des déplacements des brebis et de son chien. On se retrouve sur un terrain qu’on ne connaît pas avec des brebis qu’on ne connaît pas. Et on ne conduit pas des brebis lourdes de la même manière que des brebis légères. On n’agit pas de lamême manière avec un chien faible ou un chien fort.

AB : en tous cas félicitations pour le fait d'être pris dans l’équipe de France en tant que réserve pour le championnat d'Europe au Danemark !

JRL : oui, en effet, je vais voir les champions européens à l’œuvre sur des terrains immenses ce qui est passionnant ! Mais, ce n’est pas sans difficultés humaine, financière et familiale ! Sans Laure je ne pourrais pas vivre ma passion. Elle est avant tout un soutien de tous les jours, un peu comme un coach. Et quand je pars trois jours à un concours, elle se retrouve seule à gérer l’exploitation avec les vaches, les moutons, un grand nombre de chiens, et à s'occuper de notre petite fille. Cette passion nécessite des sacrifices, mais surtout une bonne entente familiale, qui va rendre possible le bonheur de la vivre!

Photos: Pierre Mignot


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