Le Rock'N'Roll qui mène la danse ou comment pister les souvenirs enfouis
Stéphanie Bockler
Originaire de la province de Luxembourg en Belgique, Stéphanie est arrivée dans le Diois en 2010, une formation d'assistante sociale en poche. Avec un souci d'adaptation (au marché de l'emploi entre autres), elle a travaillé comme réceptionniste dans un camping, nounou, maraîchère et dernièrement, tout en animant une émission en tant que bénévole à Radio DWA, elle s'est lancée dans le métier de DJ spécialisée dans le Rock'N'Roll, sous le pseudo de Monette Wah-Wah. Pour le bonheur (réciproque) de faire danser les Diois
Anna Blum : Stephanie, comment est née l'émission « Le dictionnaire du Rock'N'Roll » sur R-DWA ?
Stéphanie Bockler : à la Noël 2011, ma sœur m'a offert « Le dictionnaire du Rock'N'Roll » en deux volumes (éditions Robert Laffont). Des tonnes d'informations se trouvaient là, sous la main, et j'ai commencé à noter dans un cahier ce qui était susceptible de m'intéresser comme style. Puis j'allais écouter le tout sur YouTube. Un travail assez fastidieux et après avoir rempli une trentaine de pages j'ai bien failli abandonner. Il me fallait me motiver pour tirer parti de ce cadeau et m'astreindre à une discipline. Je me suis souvenue alors de mes quelques visites à Radio DWA. Je leur avais proposé d'animer une émission sur les musiques que j'aime. Mes idées n'étaient pas très claires à l'époque et pour eux il ne s'agissait pas de mettre en onde une émission fourre-tout, pas question de passer n'importe quoi ! Ils m'avaient suggéré de réfléchir à un concept. Les deux démarches se sont alors rejointes et voilà comment est née l'émission.
AB : comment choisis-tu tes musiques ?
SB : avant de posséder ce dictionnaire, je connaissais surtout les « grands classiques », disons peut-être dix pour cent de ce qui se trouve rassemblé dans
ces deux ouvrages. J'ouvre donc mon dictionnaire à la lettre concernée, je sélectionne les artistes d'une période et d'un style donnés et puis j'écoute. D'abord sur YouTube, puis, si le morceau me plaît, un ou plusieurs albums. Pour m'aider, je regarde le positionnement de l'album dans le classement du pays où il est sorti. De cette façon je découvre des perles et parfois, alors que j'ai noté le nom d'un groupe, le titre d'un morceau, sans savoir de quoi il retourne, le souvenir affleure ! Un bal, un « tube », un contexte particulier... Une véritable cerise sur le gâteau !
AB : ces classements te semblent toujours judicieux ?
SB : si un artiste vend bien un de ses albums, c'est qu'il est populaire.
Il a sans doute quelque chose d'intéressant à dire, à partager. Mais plus on avance dans le temps, moins c'est vrai ! Les musiques en vogue des années 1940-1950-1960 étaient très bonnes. À partir de plus ou moins 1970, ce sont les musiques commerciales qui arrivent en tête des box-offices. Par conséquent, pour mes recherches sur ces périodes-là, j'ai changé mon fusil d'épaule. Au lieu de visiter les « charts » des albums les plus vendus, je vais sur des sites spécialisés dans les styles des années 1970 à 2000 (punk, hardcore, musique synthétique).
AB : une formidable énergie se dégage de tes émissions. C'est ce que tu aimes, qui te correspond ?
SB : la rythmique c'est sûr ! J'apprécie occasionnellement d'autres choses, commela chanson française teintée de mélancolie. Mais, oui, cette musique rageuse, sauvage et joyeuse me plaît énormément !
AB : une musique empreinte de révolte aussi ?
SB : on peut dire que le Rock'N'Roll est né dans les champs de coton du Mississippi. Au blues on a ajouté du swing. Une rythmique supplémentaire a donné le rhythm and blues. Celui-ci à son tour a évolué vers le Rock'N'Roll. Mélangé au gospel par contre il a donné la soul. Le blues a produit plusieurs arbres généalogiques.
AB : une autre de tes passions t'incite à animer des soirées comme DJ!
SB : j'ai commencé à titre amateur à peu près en même temps que mon émission radio. Petit à petit cette passion s'est affinée. Rien de pire pour un DJ d'avoir un « set » figé (programmation musicale). J'essaye de ne pas tomber dans ce travers et de l'alimenter continuellement grâce à mon émission de radio. Bien connaître le Rock'N'Roll me permet aussi d'offrir aux auditeurs un voyage musical dans le temps. Mais pour moi, mon grand plaisir consiste à faire danser. Rien de plus gratifiant que de voir des gens heureux grâce à la musique !
AB : une activité que tu désires développer ?
SB : cet été je me lance de façon plus professionnelle, j'ai acquis du matériel et j'aimerais pouvoir vivre de ma passion, au moins pour partie. Le début de semaine sera dédié au maraîchage et la fin de la semaine à l'animation de soirées rock !
AB : parle-nous de ton musicien préféré, celui ou celle qui t'a donné le goût et vers qui tu reviendras toujours ?
SB : j'en vois surtout deux, Big Mamma Thornton et Little Richard. La première a créé la chanson « Hound Dog » qu'Elvis a interprétée plus tard. Sa version à elle est bouleversante par son côté original et authentique. Son histoire aussi me touche. Enceinte, le père de son enfant refuse de le reconnaître et elle se retrouve dans la rue, sans moyens. La musique devient alors sa planche de salut. Avec son bébé dans les bras, elle va vivre presque un mois dans la rue devant le studio qui lui a fixé rendez-vous, parce qu'elle a oublié la date précise de son audition !
Little Richard me touche parce qu’il est la première star bisexuelle ou homosexuelle de l'histoire. D'un physique très fin, quasi androgyne, sa voix est sauvage, libre et magnifique!
AB : après avoir parcouru tout l'alphabet et les périodes concernées, des idées se précisent pour les émissions d'après ?
SB : depuis un moment, je réfléchis à la meilleure manière pour que les habitants du Diois s'approprient la radio et comment susciter ce bonheur de retrouver un souvenir enfoui. Aller vers eux via les associations telles que le club de bridge, ou au « Fil de soi » (la maison de retraite à Die)... Les laisser choisir le morceau qu'ils ont envie d'écouter tout en offrant l'opportunité d'expliquer le pourquoi, de brosser un contexte
AB : tu t'adresserais de préférence à des personnes âgées ?
SB : pas nécessairement. Bien sûr, leur particularité tient dans le fait qu'elles sont les gardiennes d'un patrimoine, d'une culture qui, si on ne la fait pas revivre, disparaîtra. Ce sera sans aucun doute la partie la plus intéressante du travail. Mais les plus jeunes aussi peuvent s'approprier le média de la radio !
AB : c'est en goûtant au bonheur de retrouver la mémoire, que tu as eu l'idée d'offrir ce cadeau aux auditeurs ?
SB : clairement ! Récemment, ma mère m'a donné les trois cents vinyles contenus dans le juke-box du bar que tenait ma grand-mère. Des airs que j'entendais petite, et maintenant que je les réécoute chez moi, mon enfance miraculeusement refait surface ! La musique permet de beaux voyages et quand, à une fête populaire, je passe des morceaux des années cinquante et que quelqu'un vient me dire merci, c'est très gratifiant !
AB : une passion dont le côté social rejoint en fin de compte ta formation ?
SB : comme j'ai décidé d'en vivre, je suis contente d'avoir pu m'outiller au travers de mes expériences précédentes, sur les aspects plus pragmatiques du travail indépendant. Mais, c'est vrai, partager du plaisir tout en favorisant du lien social est ce qui me réjouit le plus dans cette aventure !
photo de Stéphanie en DJ au restaurant "Tchaï Walla", prise par Alex
À lire sur le site de Radio DWA (http://www.rdwa.fr/)
« Une pincée de rhythm and blues, un brin de boogie-woogie, un soupçon de bebop et bien sûr du rock. Bienvenue dans le dictionnaire du rock’n'roll chaque lundi à 10h00 et en rediffusion jeudi à 16h00 sur RDWA 107.5 sur la bande FM et Radio Panik 105.4 FM »
Le Dictionnaire Du Rock'n'Roll (RDWA) | R-Dwa : Radio Diois
Photos et interview: Anna Blum
Комментарии