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Le chat

  • annelauwersblum
  • il y a 27 minutes
  • 2 min de lecture

Sept heures du matin. Une tache de lumière tremble sur le bord Est de la terrasse où je me tiens immobile. J’attends que le soleil passe la barre rocheuse du haut-plateau du Vercors, pour enchaîner quelques salutations à son intention. Dans l’agréable silence bercé de chants d’oiseaux, je distingue un infime bruissement. C’est elle. Musette fait comme si de rien n’était. Où était-elle avant de se tenir à deux mètres de moi ? Mystère. Elle m’observe, s’étire, finit par retourner à sa vie secrète. Musette et moi avons presque la même âge. Je l’envie. Elle bondit et flâne dans le verger de noyer de la voisine comme une jeune demoiselle, tandis que je descends avec précaution le sentier escarpé de la combe, munie de mes bâtons de marche. Où qu’on soit dans le jardin, elle surgit pour se joindre à nous, puis grimpe soudain à toute allure dans l’un ou l’autre peuplier, tilleul, ou cerisier, pour jouer à chat perché. Le chat est un animal domestique. Musette aime qu’on lui gratouille la tête. Pas beaucoup plus, merci. Farouche, chasseuse, prédatrice. Mais pouvons-nous le lui reprocher, nous, homo sapiens, pas sages pour un sous, qui mettons si souvent notre intelligence au service de la cruauté envers nos semblables et le reste du vivant ? Le chat nous domestique. Quelquefois Musette se tient assise sur son postérieur, bien droite, les deux pattes avant posées au sol, j’y suis, j’y reste, le corps parfaitement immobile, et les yeux doux. Soft eyes, dit-on dans la danse butoh, quand il s’agit de devenir un bourgeon qui éclot, ou un chat qui médite.

Musette, alors, plonge dans l’essence parfaite de la création, un léger sourire sur la truffe.


Texte et photo: Anna Blum


« I try to carry in my body all the weight and mystery of life » Kazuo Ohno, merveilleux maître butoh.

(J’essaye de porter dans mon corps tout le poids et le mystère de la vie)



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