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annelauwersblum

La spéculation

Dans le royaume secret de sa paume.


Porte cabane Kogi( à l'endroit cette fois!) Photo AB

Assis à sa table de travail, voûté comme d'habitude, Hippolyte entortille ses jambes autour des pattes de sa chaise. Du lierre accolé au tronc d’un arbre.

Suzanne l’observe, appuyée au chambranle de la porte. Elle ne semble plus très sûre. Se sont-ils déjà risqués à faire l’amour ? Leur histoire pourrait parfaitement être moribonde. Arrivée au point où les défauts deviennent les personnages d’un mauvais Vaudeville. Mais peut-être pas. Ils n’en sont peut-être qu’aux préliminaires. Elle va s’avancer vers lui, se placer à sa gauche de façon à frôler sa main occupée à tambouriner le bois sombre de la table. Il se passera alors une chose inouïe. Leur émoi les fera vaciller d’un même spasme secret et profond. Ou bien ils se figeront au milieu du silence abyssal qui préfigure la mort. Du bout des doigts, elle caressera la saillie des veines noueuses sur le dos de sa main et lui viendront à l’esprit ces autres nervures, charriant le désir. Le déployant vers des extrémités charnues et sensibles.

Ah ! Si seulement sa verge pouvait ressembler à sa main ! L’habileté de la main, sa très grande dextérité ! Ses doigts à elle glisseront sur les protubérances des phalanges, avant de s’engouffrer dans le passage étroit de son poing, coincé entre le pouce et l’index.

Elle fera exprès de les écarter. De les obliger à se disjoindre pour pénétrer dans le royaume secret de sa paume. Là, elle s’abandonnera à sa volonté mâle, virile. Là, sa main à elle se fermera, se roulera en boule et pulsera en douceur pour jouir de sa chaleur à lui.

Suzanne l’observe avec curiosité, appuyée au chambranle de la porte. Hippolyte ne peut la voir. Il cherche l’inspiration, trouve une cigarette, l’allume, la regarde se consumer, et elle remarque sa peau brûlée sur la face interne du majeur et de l'index. Elle se représente le goût de tabac froid sur ses lèvres et sur sa langue quand elle l’embrassera. Ce n’est pas une sensation agréable, mais la flaveur ne perdure pas. Il existe une hormone ou une substance de ce genre. La glande de l’amour capable de supplanter le goût de nicotine et de goudron dans la bouche. Une saveur très particulière, qui semble venir du fond de la gorge, tombe goutte à goutte du palais et dont le goût dépend en droite ligne de la qualité de tes sentiments.

Texte: Anna Blum

Photo: AB

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