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annelauwersblum

L'équilibre et la danse

Jérôme d'Orso

AXIS SYLLABUS

Le parcours artistique de Jérôme a commencé par l'acrobatie et le cirque. Sa rencontre avec Jonathan Sutton, acrobate, homme de cirque et de théâtre accompli (il travaille ea avec Ariane Mnouchkine au théâtre du soleil), va déterminer Jérôme à lâcher sa maîtrise en psychologie et à se professionnaliser dans l'art de l'acrobatie, l'équilibre sur un fil, les portées, la voltige... À l'occasion d'un stage de danse-contact, il rencontre le danseur américain, Frey Faust. Un nouveau maître pour Jérôme, dont il suivra l'enseignement pendant plusieurs années. Frey Faust invite ses premiers élèves à le soutenir dans la création d'une communauté d'artistes chercheurs, autour de ce qu'il appellera « Axis Syllabus ». Axis, pour les 3 axes qui définissent les 3 dimensions, syllabus pour « base de données ». Axis Syllabus est en effet une base de données ou liste d'informations sur le corps humain en mouvement. Ce n'est donc ni un style, ni une esthétique, ni une méthode, mais des informations qui se relient les unes aux autres, grâce à l'expérimentation, l'étude, l'observation, la conjecture, qui permettent de tirer des conclusions... toujours provisoires ! Cette approche analytique comprend aussi bien l'anatomie (connaissance du squelette, système nerveux, fascias...), la biomécanique, la physique élémentaire. Bref, tout ce qui renseigne sur le corps en mouvement.
Un des objectifs de la communauté « Axis Syllabus » est aussi de mettre des mots, poser des concepts, développer un vocabulaire pour parler du corps humain en mouvement. Ce vocabulaire est parfois emprunté au monde médical (flexion, extension, abduction, rotation interne...), parfois à la géométrie de l'espace (les axes, les plans...), à la science physique (masse, vitesse, énergie cinétique, gravité...), l'évolution des espèces (plasticité, contrainte...), et parfois inventé ! Tout le monde peut puiser dans cette base de données et en faire ce qu'il veut. La plupart du temps, les enseignants qui utilisent l'Axis Syllabus, sont des professionnels avec une bonne connaissance du corps en mouvement. Jérôme utilise son expérience de circassien, sa formation en danse contemporain, ainsi que sa longue pratique du Taï-chi-chuan et du Qi Gong pour enseigner l'art de se tenir debout et d'évoluer sur un fil, l'art des acrobaties (roues, roulades sauts périlleux...), ou encore le travail au sol (relâchement, tenue, structure, architecture en mouvement). Aujourd'hui, il porte le projet de création d'une école qui sera un port d'attache pour l'Axis Syllabus, accueillera des artistes en résidence, et organisera des stages de danse, de cirque, d'acrobatie, de théâtre. Ce projet pourrait voir le jour d'ici deux ans.

Lien vers une video d'improvisation de Jérôme de Philippe Lamotte: https://youtu.be/6Xe8MwTo0n0
 

Les 5 mots de Jérôme


Équilibre : ce mot a à voir avec mon premier métier de fil-de-fériste. C'est un mot qui raconte beaucoup de choses sur la vie. Equi-libre ou « la même liberté ». Quelque chose qu'on n'atteint jamais vraiment, une quête sans fin ! J'aime aussi transmettre à mes élèves cette question de l'équilibre dans le corps en mouvement. Équilibre de forces, de masses, d'organisation harmonieuse, équilibre des tensions internes dans nos tissus. On pourrait dire que c'est une question de bonne santé de préserver l'équilibre, l'homéostasie dans le corps. Équilibre entre la part active et la part passive du corps par exemple. Ce qui est beau, c'est que c'est un travail qui ne s'arrête jamais !
 
Chaos : ou la part d'inconnu, d'inconstance avec laquelle on navigue. C'est une idée qui m'a beaucoup nourrie. On ne peut pas tout contrôler. J'ai développé beaucoup de jeux de corps à partir de l'idée du chaos. Comment se laisser tomber par exemple. Se tenir en équilibre sur un pied, puis arrêter de compenser avec la cheville et se laisser tomber. Si on est vraiment très près de l'équilibre recherché, on peut se laisser tomber n'importe où. C'est un beau travail ! Comprendre ce qui est à l'oeuvre, puis lâcher et on ne sait pas ce qui va advenir. C'est le fameux battement de l'aile du papillon. On ne sait jamais ce qui va finalement advenir.
 
Sauvage : « Sauvage » compense ce qui est analytique, rationnel dans la démarche insiprée par Axis Syllabus. Axis Syllabus n'aurait aucune raison d'être si on était resté dans l'animalité ! Par conséquent, retrouver, se reconnecter à sa part sauvage, animale est important. On n'a pas toujours besoin d'en parler, il suffit parfois de lâcher la vapeur et de voir ce qui reste ! Lâcher la forme, laisse la place à l'intelligence instinctive, directe. De même qu'à l'intérieur du corps, nos cellules fonctionnent sans qu'on ait besoin de s'en préoccuper ! Ces trois mots — équilibre chaos sauvage — forment un ensemble cohérent, une sorte de cycle.
 
Dévoiler : on n'invente rien, on soulève le voile et on met en lumière ces choses qui invitent à l'humilité. Toute la miraculeuse intelligence, l'infinie complexité du corps humain est déjà là et plus on apprend, plus on comprend qu'on ne sait rien... C'est plus une joie qu'une inquiétude, c'est ce qui nous pousse à rester curieux, qui nous ouvre à l'émerveillement. Pour moi, Axis Syllabus, à côté de la démarche scientifique, c'est aussi une sorte de filiation avec la science des anciens, qui étaient non seulement des scientifiques mais aussi des artistes, des mystiques déjantés, des fous ! Avant, la dichotomie entre science et esprit n'existait pas comme aujourd'hui ! Rien n'est figé. On peut penser quelque chose tant qu'on n'a rien trouvé de mieux !
 
Le câble : le câble du fil-de-fériste. Câble en acier antigiratoire de douze millimètres de diamètres. Je ne suis pas très matérialiste, pas attaché aux objets. Mais le câble a été mon maître du mouvement ! Marcher sur un câble, commencer à danser, demande des heures et des heures d'entrainement. La contrainte est énorme, les possibilités sont tellement serrées que quand on commence à y arriver, à marcher, la sensation de liberté est immense. Se libérer dans la contrainte est quelque chose d'important. J'aime bien aussi l'idée de quelque chose d'un peu brut, qui mord, qui rape, ça ne tergiverse pas !


Interview Anna Blum
Photos Philippe Lamotte

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