Ryôichi Wagô
dans le vif de Fukushima
Ryôichi Wagô enseigne la langue japonaise et est un poète reconnu dans son pays, le Japon. Né en 1968 à Fukushima, il y vit toujours; il a refusé de quitter sa ville, Minamisôma, après la catastrophe du 11 mars 2011. Le tsunami et l'accident nucléaire majeur qui s'en est suivi, l'ont poussé à publier des poèmes sous forme de tweets, parce qu'il était urgent de dire la solidarité, l'absolue solitude, mais aussi la beauté du monde, en ces temps tragiques.
Si les tweets de DT font douter que quoi que ce soit de bon puisse s'écrire par ce moyen, il suffit de lire quelques-uns des « Jets de poèmes », de Ryôichi Wagô, pour être définitivement conquis. Ses petits textes invitent à l'insurrection des consciences et au jaillissement de l'amour!
Extrait de sa réflexion sur l'acte d'écrire, et son premier tweet au moment de la catastrophe (lire plus via le lien en bas de page) :
« Les habitudes, c’est quelque chose d’impressionnant. En dernier recours, c’est peut-être ce qui sauve un homme. J’ai d’abord lancé cette phrase sur Twitter. « Nous sommes arrivés au point de non-retour. Je veux écrire comme un asura *. » Ce moyen de communication ne m’avait pas tellement attiré jusqu’alors, mais cette nuit-là, alors que ma vie pouvait être anéantie le lendemain même, j’ai écrit ces mots sur l’écran de mon ordinateur comme j’aurais lancé une bouteille à la mer : « La nuit est silencieuse. Il pleut des radiations. » « Quel sens cela a-t-il de nous infliger autant de souffrances ? » « Qu’est-ce que cette catastrophe cherche à nous dire ? S’il n’y a aucun enseignement à en tirer, alors à quoi pouvons-nous croire ? »
*Les asura sont, dans la mythologie hindoue et bouddhique, des démons perturbateurs en lutte avec les Dieux, dont ils convoitent la place.
Extraits de « Jets de poèmes - dans le vif de Fukushima »
J’aimais l’été à Minamisôma. Je pensais que les promesses échangées dans le plein été ne seraient jamais rompues. Savez-vous comme ils sont fiers, les chevaux sauvages de Haramachi lors de la fête annuelle ?
18 mars 2011 – 14:13
Cette montagne et cette rivière près desquelles je suis né, près desquelles j’ai grandi, n’ont commis aucun crime. Le cœur de Haramachi est la constance même, il ne changera pas. Désespoir des habitants de Minamisôma qui évacuent leur ville en ce moment. Il n’y a plus rien, hormis les larmes.
18 mars 2011 – 14:24
Je suis assis seul dans une pièce obscure, face aux mots. Où es-tu ? Es-tu toi aussi assis seul face à tes mots ?
18 mars 2011 – 14:32
Vois-tu les mots s’enfuir devant toi ? Ou es-tu poursuivi par eux ? Te tiens-tu à côté d’eux, serré contre eux comme contre une amoureuse ? Ou bien les mots déversent-ils leur colère sur toi en hurlant ?
18 mars 2011 – 14:33
Je suis toi. Tu es moi.
18 mars 2011 – 14:34
Je veux m’asseoir face aux mots, à l’intérieur de ton cœur. Et je voudrais te voir siéger dans mon cœur face aux mots. Certains se sont résignés à vivre, d’autres sont morts à regret. Tant de mots, mêlés aux décombres à l’intérieur de mon cœur.
18 mars 2011 – 14:37
Allez lire cette suite de poèmes bouleversants, tweettés au coeur du désastre, sur le site de "Terre à ciel" ! (lien ci-dessous)
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