Chasser les marchands du Temple
Je le pris tout de suite en grippe. Installé comme il l’était à ma place, sans l’ombre d’une excuse ou d’un regret sur la trogne. Le repas était servi et il avait commencé de manger dans mon assiette, assis sur mon tabouret, avalant mon omelette aux champignons avec ma fourchette. Je sentis la colère monter par vagues vers le sternum, contrarier ma déglutition, quand soudain l’image de Jésus chassant les marchands du Temple s’imposa à moi. Pour autant que Jésus ait existé, je me demandai comment il s’y était pris ? Lui, le non-violent, aux prises avec une foule d'individus pas nets. Et moi, ce gazier de deux fois ma taille aux biceps charpentés, à la mâchoire de zombie, aux pognes comme des plats de bêches ? Comment allais-je signifier à cet obèse malotru qu'il devait débarrasser le plancher ? Je vis alors Jésus se ruer en hurlant, renversant les étals, cognant, cinglant de sa ceinture des faces frappées de stupeur, sautant avec allégresse par-dessus des cadavres de poisson et des paniers de pommes de terre. Je fis donc de même. Hélas, mon plongeon se termina illico sous la table, les orifices du ciboulot bourrés d'omelette aux champignons. Aucune morale n’est à tirer de sous les débris de mon assiette. Par ailleurs, des découvertes scientifiques récentes attribuent d’étonnantes propriétés curatives à la plupart des champignons.
