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Jean-Pierre Bacri

et le grand paon de nuit

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L'annonce de la mort de Jean-Pierre Bacri, m'a laissé un goût de perte.  Quoi, me suis-je dit, plus jamais on ne verra cet acteur au coeur tendre, ce faux bourru, dans une nouvelle production ? En ces temps où faire la fête nous manque, la chose m'a paru singulièrement cruelle! 

Je me suis souvenue d'un de ses derniers films, projeté dans notre cinéma art et essai. Ce soir-là, la salle était comble. Je m'étais retrouvée coincée entre deux personnes qui auraient préféré un siège vide entre eux. Mais au fil de l'histoire, une bonne humeur générale s'était emparée de la salle. En effet, "Le sens de la fête", d'Olivier Nakache et Éric Toledano, en véritable "feel good movie", comblait les sens et l'esprit ! Le genre de film populaire dont on ressort les batteries gonflées à bloc.

Je dérivais dans ce fleuve doux-amer que sont quelquefois les souvenirs, quand la pointe émergée d’une image m’agrippa. La chose s’était produite deux ans auparavant. Une espèce de nid ou cocon pendait au-dessus de notre tête sur la terrasse couverte. Un soir, l’homme avec qui je partage ma vie, crut voir une bestiole en sortir et s’envoler. Noir dans le noir de la pénombre, il aurait pu s’agir d’une chauve-souris ou tout autre être vivant. Voulant en avoir le coeur net, un de nos beaux-fils grimpa sur une échelle, muni d’un couteau. Il détacha délicatement le cocon, le fendit en deux une fois posé sur la table. Un autre cocon, moins épais, moins fibreux, de la consistance d’une feuille morte, en sortit, ainsi que la mue d’une chenille, pourvue de petites pattes griffues. Quelques recherches sur le net, nous permirent d’identifier la dépouille d’un Grand Paon de nuit, ce beau papillon le plus grand d’Europe. 

Je compris aussitôt le lien que mon inconscient avait tissé avec Jean-Pierre Bacri. En toute discrétion, lui aussi s’était envolé dans la nuit, avec ses yeux de velours. Il allait connaître, à l’égal du Grand Paon de nuit, une semaine de bonheur sans pareil, à goûter les plaisirs de l’amour, avant de disparaître pour de bon. En guise de dépouille, il nous laissait ses créations, tel ce merveilleux film «  le Goût des autres », d’Agnès Jaoui, sa complice, et la merveilleuse actrice Anne Alvaro. Il m’apparut soudain que les délices du papillon ne dureraient pas que sept jours pour Jean-Pierre, mais toute l’éternité ! L’image me plut et m’aida à surmonter mon chagrin. 

 

Texte: Anna Blum

photos du grand paon de nuit: images libres

photos des "dépouilles": Anna Blum

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