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La géométrie sacrée ou de l'invisible au trait créateur

Dominique Dubois

 

Dominique est née et a grandi à Paris. Grâce à des séjours fréquents en Bretagne (la Trinité sur Mer, Carnac) et dans la forêt de Milly, la nature s'est inscrite au cœur de son chemin de vie. Une nature forte, faite de tempêtes, de roches de granit, de grands espaces et de forêts. Après le bac, Dominique se tourne vers les arts plastiques et la compétition sportive, plus particulièrement la natation, qui signe sa rencontre avec la mer. Depuis quelques années, elle séjourne régulièrement dans le Haut-Diois.

 

Anna Blum : Dominique, comment est née ta passion de la géométrie sacrée ?

Dominique Dubois : c'est arrivé assez tardivement. Comme tous les enfants du monde, je traçais des cercles, des carrés, des rosaces. Enfant et adolescente, je dessinais tout le temps. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai choisi de me former à l'art du dessin et de la peinture dans des ateliers d'artistes. Du dessin d'observation, je suis passée au dessin spontané, libre. Ne pouvant gagner ma vie avec mon art, j’ai arrêté pendant une quinzaine d’années cette activité, et les difficultés que je rencontrais m’ont permis de me tourner vers le monde thérapeutique. J'ai suivi une analyse et me suis formée en tant que thérapeute. La peinture s'est réinvitée dans ma vie, et depuis une dizaine d'années je me suis littéralement immergée dans la géométrie sacrée. Du dessin jaillissant, qui utilisait le corps en mouvement, je suis passée aux limites de l'espace géométrique. Cette contrainte m'a ouvert un champ « d'énergie libre » dans l'infiniment petit du corps et la perception de la matière s’est modifiée.

AB : qu'est-ce en fait la géométrie sacrée ?

DD : il y a plusieurs façons de l’aborder, par les mathématiques : le nombre d’or en peinture et en architecture par exemple.

Ce qui a fondée ma démarche, c’est la fleur de vie en tant que mandala. On la retrouve dans toutes les traditions sous forme d'un cercle central qui se démultiplie (rosaces des cathédrales, peintures sur les paravents chinois, gravures sur les pyramides égyptiennes ou les temples aztèques, mandalas tibétains...).Tout commence par le premier cercle tracé au compas. Ce cercle, en fait, est une sphère qui peut se démultiplier à l'infini. Un champ sphérique de forces se déploie. Les cercles se génèrent et se rencontrent à l'infini. Cette géo-

métrie est appelée « sacrée » parce qu'elle est fondamentale. Elle a touché

tous les peuples du monde. Ce que nous avons nommé « les cinq solides

de Platon » (feu, air, eau, terre, univers), Platon les avait révélés, inscrits

dans la géométrie secrète et sacrée de la fleur de vie, ils sont les struc-

tures fondamentales de l’existant sur terre. Il y a une rigueur, un or-

dre mathématique dans le déploiement des cercles. La pointe du

compas va toujours suivre le point qui est généré par le tracé d'un

autre cercle. L'arbitraire apparaîtra dans le choix des couleurs, le fait

de privilégier un angle plutôt qu'un autre, mais il est toujours sous-

tendu par les lois propres de la fleur de vie. Ses lois révèlent quelque

chose. S'installe alors un dialogue sensible qui commence par répondre

à l'appel vibratoire du point de la fleur qui apparaît sur le premier cercle

tracé. J'observe ce que ça propose, j'écoute. De l'observation naît une vision;

l'écoute sensible révèle une information.

AB : de quelle nature sont ces informations, à quoi renvoient-elles ?

DD : grâce à ma pratique du yoga, de la méditation, de mes disciplines sportives

antérieures et de la marche dans des natures fortes, j'ai développé une conscience fine, une perception sensible de la nature du corps en résonance avec la nature qui nous entoure, l'interconnexion des deux. Ma première rencontre avec la géométrie sacrée a eu lieu lors d'études sur la genèse. J'ai mis en relation les sept cercles de la fleur de vie avec les sept jours de la création. Comme je suis très visuelle, d'autres aspects du texte m'ont tout à coup sauté aux yeux. Ce qui m'a

permis de le comprendre d'une manière plus profonde et de créer une relation vivante, vibrante avec celui-ci. Dans les recherches qui ont suivi, le dessin d'une statue grecque représentant les divines proportions du corps humain m'a aussi ramené à la fleur de vie. Placer le squelette au sein de la fleur de vie, m'a révélé une somme d'informations incroyable ! Et c'est là que tout à coup, mes expériences de vie, tout ce qui me paraissait tenir du labyrinthe, du puzzle, se sont éclairées, me sont apparues comme unifiées, coulant de source. C'était une chose bouleversante que de constater que, grâce à la géométrie sacrée, mon chemin se révélait être cohérent !

AB : pourquoi utiliser le squelette plutôt que le corps tel que représenté dans un carré et un cercle par Da Vinci ?

DD : c’est d’abord notre structure, et la résonance osseuse permet une conduction de l’information toute autre que celle assurée par les autres constituants. Il symbolise le dialogue intérieur direct avec le champ de forces des fleurs de vie, et les métabolisent.

AB : à quel endroit précis le places-tu dans ton mandala ?

DD : dans l'iconographie chrétienne, deux icônes sont représentées dans ce qu'on nomme la vésica piscis ou la mandorle (l'amande « dorée » formée par l'intersection de deux cercles), celle de Marie et celle de Jésus.

Un corps féminin, un corps masculin. En plaçant le squelette à l'endroit de la vésica piscis, les lignes de force apparaissent clairement dans la forme du squelette humain, à l'intérieur du champ sous-tendu par les lois de la fleur de vie. Ces lois renvoient à la résonance entre le corps humain et le champ originel de la nature. Ces forces se sont organisées petit à petit, jusque et y compris dans l'organisation du corps humain. On sait qu'on fait partie de la nature, mais entre le savoir intellectuellement et le voir révélé de façon aussi rigoureuse par des lois mathématiques, est une grâce qui amène à une reconnaissance intérieure libératrice. Les mandalas ou fleurs de vie donnent une information, sans imposer les détails d'un chemin à parcourir. Ils transmettent une donnée synthétique, tout en laissant chaque personne libre de sentir ce que ça évoque chez elle. C'est d'ailleurs ce que j'aime dans l'art : plutôt qu'imposer une pensée organisée, la démarche artistique s'adresse à une sensibilité libre de représentation mentale, mais qui implique un processus intime, qui renvoie à l'intériorité. Ensuite, une rencontre vibratoire directe a lieu entre l’observateur et l’œuvre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AB : donc si je trace des cercles, que je choisis mes couleurs, ce que je veux faire apparaître à l'avant-plan ou à l'arrière-plan, « mon » mandala affleurera ?

DD : une sorte de dialogue direct va se mettre en place au travers de ta sensibilité propre, avec ce principe universel qui nous fonde, qui est inscrit dans nos cellules, dans nos organes, et ce dans une relation simple, directe et joyeuse. C'est vrai pour n'importe qui, à condition bien sûr qu'on ait envie de le faire, d'avoir ce type de sensibilité. Pour moi, cette passion est devenue une véritable voie intégrative. Il y a le plaisir du tracé, ce dialogue avec l'invisible et le visible qui informe le corps d'une façon simple, directe, pure, et qui le régénère. Comme si on revenait à une source originelle. Le processus est fin, infime, subtil. C'est avec le temps qu'on se rend compte que « ça a oeuvré ».

 

AB : quel genre de découvertes as-tu fait par rapport au squelette humain ?

DD : il y en a beaucoup ! Tout d'abord, je le prends aussi comme un jeu, une sorte de jeu de piste qui fonctionne en partie par tâtonnements, mais auquel on peut jouer à l'infini ! Je place le squelette dans la mandorle (l'or de cette « amande dorée » fait référence à la lumière du cœur). Avec ma règle je trace des lignes. Les tracés ne passent pas nécessairement par le centre de la mandorle, elles sont toujours médiatrices entre deux cercles de la fleur de vie, ce qui donne un réseau de lignes qui sont à la fois des tensions et des résolutions de quelque chose. Je me suis rendu compte que des lignes fondamentales passaient exactement sur ce qu'on appelle les chakras dans le yoga. Pendant ma période « psy », j'ai ressenti le besoin d'un autre éclairage, d'une autre respiration, pour équilibrer la façon mentale d'aborder la logique causale de la souffrance. La fleur de vie contient le zodiaque, la loi des cycles qu’il traduit, éclaire d’une toute autre façon la mémoire que nous avons des évènements de notre vie. À chaque fois, le mandala révèle pour ainsi la structure originelle de la matière, du système. Et chacun peut fonder son art dans cette profondeur universelle

AB : en fin de compte ce sont les couleurs qui font apparaître la profondeur. Certaines de tes fleurs de vie font penser à la statuaire africaine. Ce serait une sorte de porte d'entrée vers l'universel, ce qui nous relie tous ?

DD : dès qu'on met de la couleur, on met de l'espace, de la profondeur. Le cercle se métamorphose en sphère. Explorer ces mandalas comme une structure universelle de base, qui se complexifie en croisant plusieurs systèmes, révèle quelque chose de l'expérience humaine, de façon extrêmement précise et ordonnante. Le tracé régulateur par la géométrie sacrée, participe au processus de révélation de la splendeur de l’incarnation.

 

 


 

 

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