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Yvette

Du jour où - ayant déclaré sa flamme au curé de la paroisse - elle s'était heurtée à une fin de non-recevoir, Yvette se mit à haïr les hommes. Tous les hommes. Avec ou sans robe. Elle s'acoquina  avec un certain Maurice (conducteur d'engins agricoles) dans le seul but de fourbir sa vengeance. Au début, elle accomplit sans rechigner ce qui incombe à une honnête femme : laver, repasser, préparer la mallette de Maurice, épargner sur la paie de son homme, repriser, semer des carottes, donner à boire au chat. Maurice était de nature crédule et bonasse. Il ne remarqua pas de suite qu'Yvette menait la barque d'une main de fer droit vers les hauts-fonds. Toute douceâtre qu'elle fût, elle devint acariâtre. Voleuse, pingre, médisante, et laide de plus ! Alors qu'elle jouait de sales tours à son homme, celui-ci continuait de conduire ses engins comme si de rien n'était. L'argent prélevé  sur la paie de Maurice, atterrit dans une casserole ayant servi à cuire la cabolée des cochons. "C'est toujours ça qu'il n'aura pas, ce veau" marmonna-t-elle entre ses vieux chicots. Elle acheta aussi des titres du Tramway d'Istanbul, qu'elle fourra derechef dans la casserole. Hélas ! Yvette mourut d'une recto-colite hémorragique. Les souris grignotèrent une grande part du trésor, le chat trouva la casserole parfaite pour y faire ses besoins et Maurice continua à conduire ses engins agricoles en sifflotant, comme si de rien n'était.

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