top of page

Un dur à cuire

 

 

Le printemps distillait ses fragrances avec parcimonie. Un jet de lilas par ci, un puf de peuplier baumier par là. De quoi réveiller les papilles gustatives de Boris et Anatoli. Ils cheminaient bras dessus, bras dessous, deux oligarques ploutocrates, actifs dans les hydrocarbures et les matières plastiques.

" Et si, se hasarda Boris, et si un de ces soirs on se faisait une petite bouffe populaire ? " Dans leur jargon, populaire, signifiait ce-qu'on-mange-sans-faim-parce-que-c'est-ce-qu'on-mangeait-quand-on-était-petit.

Ils avaient tous deux de charmantes babouchkas. Comme toutes les babouchkas, celles-ci consignaient leurs recettes ancestrales dans d'épais cahiers cartonnés "Made in China".

" Moi, s'aventura Anatoli, je préparerai du Bortsch. Babouchka ne mettait que des betteraves rouges, de l'ail et de la graisse d'ours. Mais, personnellement, je me risquerai à ajouter de la crème, des cèpes séchés et du citron vert de la Jamaïque.

" Otchen karacho, Anatoliouchka. Pour ma part, j'essayerai de retrouver la recette de ce qui se prépare dans un immense chaudron à ciel ouvert et qui doit macérer longtemps.

" Excellente idée ! La recette préférée d'oncle Oleg. Tu te souviens, celui qu'était général dans l'armée blanche pendant la guerre civile. Fier il l’était mon oncle sur son cheval, avec son sabre et son sourire féroce. Il en a tué des rouges ! Un vrai dur à cuire !

" Maintenant que tu le dis, ça me revient : je vais devoir remuer ciel et terre pour trouver les ingrédients, mais ce sera un branle-bas de combat amusant ! "

bottom of page