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Tony Hillerman est connu pour ses romans mêlant intrigue policière et fine connaissance des cultures amérindiennes de la région appellée « Four Corners » (frontière entre le Nouveau-Mexique et l’Arizona), en particulier celles des Hopis et des Navajos. Lire ses romans, revient à conjuguer passion du polar et curiosité ethnologique. 

Dernièrement, j’eus le plaisir de découvrir d’autres facettes de cet « écrivain-anthropologue », féru d’histoire et d’histoires... Dans la première nouvelle de son recueil « Le grand vol de la banque de Taos », Tony Hillerman fait preuve d’un humour que je qualifie volontiers de « belge », tant il mélange surréalisme et précision didactique ! 

La nouvelle « Tout le monde tombe », est elle d’une actualité brûlante. En véritable détective, il trace, jour après jour, une des dernières (?) apparitions du virus de la peste noire (peste bubonique), dans une région du Nouveau-Mexique. Et ce au début des années 1960 ! Étranges bizarreries de la nature que ces virus, apparaissant et disparaissant sans que l’être humain puisse y déceler une quelconque logique. Bien entendu, je ne révèlerai pas de quelle manière, ni via quel porteur cette zoonose (maladie transmise par l’animal à l’être humain), a contaminé les quelques victimes de cette tardive peste bubonique, ni de quelle manière la course contre la montre fut gagnée par les humains !

 

« Le grand vol de la banque de Taos »

Tony Hillerman

Rivages / Noir

 

« Tout le monde tombe »

 

« À la lisière nord du village de Pecos, au Nouveau-Mexique, une ligne de crête se dresse entre le Pecos et l’étroite vallée de Cow Creek. Elle est entrecoupée d’arroyos et couverte d’un mélange de pins pignon, de genévriers et de cèdres. De sa maison au bout du village Amado Ortega y venait souvent pour chasser les lièvres. En cet endroit, le vingt et unième ou le vingt-deuxième jour de juin 1961, il tua et dépeça un lynx. Cette crête devait être cerclée de noir sur la carte et baptisée Zone I »… « À six kilomètres au nord-est de Pecos, Cow Creek est bordée de pins jaunes. En contrebas de la route, on enfonce jusqu’aux genoux dans les herbes de la prairie de Cow Creek rehaussées de taches d’un bleu vif que créent les iris sauvages. Monsieur Ortega y vint pour dompter un poulain qu’il voulait faire monter par ses sept enfants. Même s’il n’est pas possible d’établir la date exacte de cette visite, un cercle fut tracé autour de cette tranquille petite pâture de montagne qui devint la Zone III »...

...  « Amado Ortega venait d’avoir trente-huit ans et il était d’une constitution si robuste qu’il n’était jamais allé consulter le docteur. Puisqu’il était chasseur, il est possible qu’il ait remarqué qu’il n’y avait aucun lapin en vue et que même les terriers des minuscules souris à pattes blanches semblaient abandonnés. Mais Amado Ortega n’aurait eu aucune raison de sentir le danger dans le silence inhabituel. Il s’en étonna peut-être, mais il n’aurait eu aucune raison de s’en inquiéter même s’il avait su qu’en 1837 les Indiens qui habitaient Cicuye depuis un millier d’années étaient tombés malades et avaient succombé par centaines, que seul dix-sept d’entre eux avaient réchappé vivants d’un pueblo qui avait compté ses guerriers par centaines et abrité sept sociétés secrètes, possédant chacune sa propre kiva souterraine. »…

… « Il est fort probable qu’il n’y avait rien de dangereux dans les environs immédiats des ruines de Cicuye pendant qu’Ortega s’y trouvait avec ses moutons. Il semble raisonnable d’estimer que cet homme jeune était mortellement atteint avant le 23 juin. Cela avait pu lui arriver dans l’une des trois autres zones entourées d’un cercle sur la carte, à moins que moniseur Ortega ne se fût rendu dans beaucoup d’autres endroits au cours de la semaine du 20 juin. Avant la seconde semaine de juillet, personne n’allait douter de l’importance que cela pouvait prendre de connaître les lieux exacts où il était allé. À ce moment là il serait trop tard pour le lui demander. 

Amado Ortega mourut dans la nuit du 29 juin à l’hôpital Saint-Vincent de Santa Fe. Il mourut de manière étrange, laissant un personnel médical perplexe et une radio de la poitrine qui fut décrite, dans des termes d’une force peu coutumière pour la profession, comme extrêmement bizarre. »...

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