top of page

L'écrivain assassin

à propos de la mort d'un personnage de roman

 

 

Vous est-il déjà arrivé de lancer votre roman de rage à travers

le salon ? Ou de le refermer et pointer un index accusateur sur

la cage thoracique de l'écrivain (cage thoracique qu'il a large et puissante) tout en proférant des menaces et bafouillant des injures ?

Vous êtes sous le coup de l'émotion. Il vous a baladé au long de quelques centaines de pages sur un haut plateau sauvage, tel que vous les aimez. En compagnie d'hommes tels que vous les aimez. Faux solitaires, faux durs aux mains calleuses et au coeur tendre. Il vous a redonné espoir dans la capacité humaine à trouver la rédemption. Et cette fois, au travers d'outils indéfectibles, dont la musique vous a bercé sous les âpres morsures du soleil, la pluie cinglante et le soudain silence de la neige. Vous l'aimez cet écrivain. Son vrai savoir manuel alliée à une finesse et une acuité psychologique vous ravissent.  L'homme, l'outil, l'autre. La scène est campée. Et voilà que, patatras, dix pages avant la fin, il fait mourir un de ses personnages ! Un de ceux dont vous avez goûté la fragilité, espéré la victoire, suivi la lente résurrection !

Vous réfléchissez aux raisons qui poussent cet écrivain à commettre un tel forfait. Vengeance ? Exorcisme personnel ? Pure méchanceté ? Obligation commerciale ? Goût du risque ? Peur de décevoir ? Et vous voilà placée devant un cruel dilemme.

Vous ne révélez ni le nom de l'auteur assassin ni le titre du bouquin et personne ne lira les quatre-vingt-dix-neuf pour cent jouissifs de l'histoire. Vous les révélez au contraire, et seuls quelques rares insensibles au coeur dur comme la pierre seront tentés de le prendre en main...

 

 

bottom of page