top of page

Sortilège et Synchronicité

Je profite du généreux soleil d'automne couchée de tout mon long sur ma terrasse en bois, plongée dans le roman « Les Amazones », troisième et dernier tome de la trilogie de Jim Fergus.

L’épopée tire à sa fin. Rescapée des attaques incessantes de l’armée américaine contre les « Sauvages », une bande composée de « Coeurs Vaillants » (femmes guerrières!), de Cheyennes, d’Arapahos, de quelques Shoshones et de femmes blanches, bivouaque dans une vallée féconde. Elle compte s’y fixer pour l’hiver, parce que la nature y déborde de gibier : bisons, élans, antilopes… Bien qu’intrigués par l’abondance et la paix qui y règne, ne sachant pas où précisément se situe cette vallée (de l’autre côté des montagnes de Little Big Horn, mais où?), hommes et femmes ont l’impression d’être enfin arrivés chez eux. Ils vont bien vite comprendre que grâce à un sortilège (la traversée d’une terrible tempête de neige), ils ont laissé derrière eux le « Vieux monde éteint», le « Monde mort », pour intégrer le « Monde réel », le « Monde vrai ». Celui où chacun peut vivre en paix, manger à sa faim, et d’où la guerre est bannie…

« 28 octobre 1876.

L’automne est magnifique, un bleu très pâle délave le ciel et les nuits sont devenues fraîches… La saison des amours est bientôt terminée pour les élans, qui se sont tus. Il y a quelques jours encore, on entendait leurs brames jusqu’au village… Hawk (NDLR chef Cheyenne, dont le nom signifie faucon) lève les yeux et sourit. Je suis son regard et découvre deux faucons, qui s’élancent dans le ciel. Leurs longues ailes déployées au vent, ils décrivent un cercle, simultanément, comme s’ils dansaient... »

Je pose un instant mon livre sur ma poitrine et regarde le ciel. Juste au-dessus de moi, deux faucons exécutent une petite danse ! Croyant à une hallucination, je cligne plusieurs fois des yeux, mais ils sont bien là, à quelques mètres seulement au-dessus de moi ! Je peux voir leur poitrail doré par le soleil avant qu’ils ne se séparent, l’un à droite, l’autre à gauche… 

Comprends, cher lecteur, l’étendue de ma stupéfaction : il n’y avait pas là qu’une synchronicité frappante. Immédiatement, je me suis demandé si moi aussi, je venais de pénétrer le monde réel, si j'avais laissé derrière moi « Le vieux monde éteint »! 

Plus que des affirmations, des certitudes, les deux faucons ont ouvert une brèche et soulevé des questions. Et si le monde était en entier dans notre regard ? 

Je laisse la conclusion (de cet article) au dialogue entre Hawk et sa compagne.

— Ils chassent ou ils volent par plaisir ?

— Par plaisir.

— Cela ressemble à quoi de voler ?

— Tu n’en as jamais rêvé ?

— Bien des fois, si.

— C’est comme dans tes rêves.

Il m’arrive moi aussi de rêver que je vole. Au réveil, je me sens légère et joyeuse. Comme si je m'étais roulée dans la douceur d'un monde fait de plumes!

 

texte et photo: Anna Blum.

bottom of page