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La passion de la transmission ou de la permaculture à la culture permanente

Jean-Louis Peytoureau

 

Né dans une petite ferme périgourdine, Jean-Louis a suivi une formation en agriculture par alternance (plus par tradition familiale que par vocation!) Il a travaillé ensuite comme salarié agricole dans une grosse ferme, avant de fonder avec d'autres la première Bio-Coop rurale de France en Dordogne. Après un bac pro agricole dans le cadre des « Maisons Familiales Rurales », il est devenu formateur en comptabilité et gestion pour les agriculteurs. Une rencontre avec Éric Julien et « l'École de la Nature et des Savoirs » l'a amené à s'établir en Drôme. Son fil rouge durant toutes ces années ? Une agriculture qui prend soin de la terre et des hommes et le plaisir de la transmission !

 

Anna Blum : Jean-Louis, pourquoi cet intérêt pour l'agriculture biologique ? Ce n'était pas une pratique très répandue à l'époque ?

 

Jean-Louis Peytoureau : la première fois que j'ai entendu parler d'agriculture bio, c'était durant mes études aux « Maisons familiales rurales ». Mon intérêt est né tout naturellement parce que les autres manières de faire me semblaient incohérentes. J'ai alors moi-même invité des personnes à l'école pour en parler. La rencontre avec Pierre Rabhi en 1995 m'a conforté dans cette voie et en 1996 je me suis installé avec un autre agriculteur comme paysan bio en maraichage et en boulangerie. Après dix années de dur labeur (sept marchés par semaine, on commercialisait tout en direct !) j'ai déclaré forfait. J'étais fatigué. Et pour cause ! Qui voudrait travailler soixante-dix heures par semaine pour ne même pas toucher le SMIG ? Une nouvelle rencontre avec Pierre Rabhi m'a fait découvrir la formation d'animateur en agroécologie, proposée par « Terre et Humanisme » en Ardèche. L'aspect pédagogique de la transmission m'intéressait particulièrement.

 

C'est là pour la première fois que j'ai entendu parler de permaculture. Dès la première phrase j'ai été conquis : « Installer un jardin en permaculture demande avant tout de déterminer l'endroit où mettre sa chaise longue ». Fatigué comme je l'étais, ça m'a parlé tout de suite !

 

AB : quel est le lien entre ta formation en permaculture et ton « intronisation » en tant que « jardinier de la Comtesse »  ici en Drôme ?

 

JLP : j'avais déjà entendu parler d'Eric Julien et des Indiens Kogi. Le premier

jardinier qui avait commencé à défricher un bout de terre à la « Comtesse » (*)

était un ancien stagiaire de notre ferme en Charente Maritime. Lui n'est pas

resté et j'ai pris le relais. Quand j'ai annoncé à Éric que j'avais l'intention d'orga-

niser un stage d'approche à la permaculture, il a tout de suite adhéré parce

que les Indiens Kogis travaillent de la même manière : ne pas retourner la

terre, associer les plantes entre elles, etc. Ça faisait donc sens. La première

orientation consistait à mettre en place des jardins pédagogiques (ma for-

mation en agroécologie imposait de développer un projet de transmission).

Dès 2009 j'avais rencontré le formateur en permaculture, Bernard Alonso.

Son approche m'a tout de suite plu. Il faut dire qu'il y a autant d'approches de

la permaculture que de « permaculteurs ».

Les premiers à parler de permaculture étaient des agronomes australiens.

L'idée principale consiste à imiter l'écosystème forestier (une culture per-

manente) ainsi que le non-agir défendu par Fukuoka. Les pays anglo-saxons

ont tout de suite embrayé et en ont fait un concept global. D'agriculture le

concept a évolué vers culture tout court. La permaculture est basée sur ea

trois principes éthiques : prendre soin de la terre, prendre soin des humains, partager équitablement les ressources. Un des outils de l'approche mis en place par les Australiens est de déterminer des zones autour de l'habitat. On parle de la zone 0 (la maison), la zone 1 (les activités qui nous mobilisent tous les jours, tels que le poulailler, les herbes aromatiques...), la zone 2 (le potager par exemple), la zone 3 (les vergers), la zone 4 (les grandes cultures), la zone 5 reste une zone sauvage. Alonso, lui, fait précéder la zone 0 par la zone 00 qui nous concerne en tant qu'individu. Savoir qui on est, ce qu'on veut faire. Les raisons pour lesquelles on est sur terre, ce qui résonne en nous. Durant ce stage, j'ai découvert que je n'étais pas là pour faire de l'agriculture, mais pour mettre en réseau, pour transmettre, pour fédérer autour de projets. La première formation en permaculture a eu lieu ici, à la Comtesse, en septembre 2011. Vingt-cinq personnes y participaient !

 

AB : et quel est ton avenir en tant que formateur, « réseauteur » ?

 

JLP : au début je travaillais ici comme salarié avec un « salaire aidé ». Devant la difficulté d'asseoir une activité à la fois de formation, de jardin en altitude, je me suis orienté vers le statut d'autoentrepreneur avec comme titres, formateur en agroécologie, permaculture et comptabilité-gestion. À la fois pour ménager mon genou qui me pose des problèmes et retrouver une assise financière ! Mon premier « fournisseur d'activité » reste incontestablement l'Ecole de la Nature et des Savoirs, et ce sur trois lieux : ici à la Comtesse avec les jardins pédagogiques. Le deuxième est situé à Saint-Ferréol sur Menglon où j'anime un jardin partagé et un atelier jardin pour les enfants de l'école « Caminando ». Le troisième lieu concerne la ferme de Montlahuc. Une ferme classique ovine qui passe à une diversification agroécologique et permacole. Mon côté « réseauteur » je l'occupe pour l'essentiel à créer un groupe sur la biovallée en Drôme. Une bonne dizaine de personnes ont suivi les formations soit de « Terre et Humanisme », soit de permaculture. Nous sommes tous complémentaires et ce serait donc bénéfique de faire profiter la biovallée de ses différentes approches. Par ailleurs, j'interviens aussi dans le cadre des compagnons de la terre. Cette association est à la fois une ferme agricole, un lieu pour tester les projets, et rechercher des lieux pour accueillir des jeunes.

Là, je vais coordonner une formation de découverte aux différentes approches agricoles : le bio, la biodynamie, l'agroforesterie, la permaculture et l'agroécologie. Le Ministère de l'Agriculture voudrait que la France devienne pilote en agroécologie. Mais, leur vision et la nôtre ne correspondent pas tout à fait (ils mettent un trait d'union entre agro-écologie!). Enfin, je continue de former des jeunes (et moins jeunes !) en comptabilité-gestion ea avec les groupes de CIVAM (groupes de développement agricoles qui existent depuis très longtemps et qui ont toujours été à la pointe des innovations techniques, mais aussi sociales).

 

AB : tu peux nous dire un mot sur le principe du jardin forêt qui est mis en œuvre ici à la Comtesse ?

 

JLP : le principe du jardin forêt (une des pratiques phares de la permaculture) est de recréer le même système que celui qui existe en forêt, avec des grands arbres, des plus petits, des arbustes, des plantes rampantes, des plantes qui rentrent dans le sol. Ici, on l'a recrée avec des pommiers, des cerisiers, des poiriers, des pruniers, ensuite viennent les petits fruits comme les groseilles, les framboises et des plantes et légumes vivaces qui vont se resemer. Il s'agit d'abord de bien observer (l'importance de la chaise longue!) Observer ce qui pousse bien dans un endroit, où se lève le soleil, où circule l'eau... Garder l'eau quand on cultive en pente est primordial. Pour ce faire, on crée ce qu'on appelle des baissières (des sortes de petits fossés) sur la courbe de niveau. En deçà du fossé on met les arbres fruitiers qui vont récupérer l'eau et sur la butte on plante les petits fruits (groseilles, etc.). Sur la demi-lune qui entoure les arbres fruitiers, on mettra des légumes permanents (poireaux, blettes...) L'objectif ultime : créer un lieu où on n'a plus qu'à cueillir ! Prendre soin de l'être humain signifie ne pas avoir à travailler quinze heures par jour !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AB : mais créer des buttes, creuser des fossés... ça demande beaucoup de travail !

 

JLP : c'est un gros travail au démarrage. Après il reste à trouver les bonnes associations, tout ne pousse pas bien partout. Il faut donc prévoir l'échange. C'est ce que font les Indiens Kogis. Outre d'économiser l'énergie fossile et l'énergie humaine, la permaculture crée du lien. Quoi de plus beau et de plus passionnant ?

 

(*) au lieu-dit « la Comtesse » est établie l'association « l'École de la Nature et des Savoirs ». Lien vers leur site :

http://www.ecolenaturesavoirs.com

 

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