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Breton d'origine, Steven grandit près de la mer, dans la nature et les grandes forêts du Finistère. Après son bac, il décide de se former au métier de jardinier, puis entame un BTS en gestion/protection de la nature et en animation nature. Il découvre le milieu montagnard dans le cadre des classes vertes et décide aussitôt de passer le diplôme d'accompagnateur de montagne. La rencontre avec une éducatrice spécialisée en grimpe d'arbre lui ouvre la voie de sa passion : naviguer dans les cimes, faire aimer les arbres de toutes les façons imaginables. L'approche naturaliste/scientifique, la poésie, et celle par les sens et l'effort physique. Il est aussi un des rares collecteurs de graines d'arbres en France, avec son ami et complice Matthieu Audoin. Steven est installé dans le Diois depuis 8 ans.  

Steven Duprez 

Photo Vincent Doucet

Navigateur-poète des cimes

 

Anna Blum : grimper dans les arbres est un rêve (un jeu !) de beaucoup d'enfants. Accompagner ce jeu demande des compétences particulières ?

Steven Duprez : oui tout à fait ! C'est pourquoi j'ai passé le diplôme d'éducateur de grimpe d'arbres. Quand tu arrives dans une forêt, ton premier travail consiste à installer en toute sécurité des cordes pour monter dans l'arbre. Une fois installé, il s'agit de parler de l'arbre, de la forêt, de son milieu. L'objectif est d'y passer du bon temps ensemble pour s'imprégner de cet environnement.

AB : c'est grâce à cette compétence que tu es arrivé dans le Diois ?

SD : j'ai d'abord passé beaucoup de temps en Amérique latine (Colombie, Équateur, Chili, Argentine, Brésil...) Grâce à mon diplôme de gestion/protection de la nature, j'ai aussi pu travailler dans les parcs nationaux du Costa Rica, du Guatemala et au Nicaragua. À un moment donné, j'ai eu envie de me poser quelque part. Les rencontres m'ont fait m'installer dans le Diois (même si je voyage encore beaucoup!) Avec des amis ‒ dont Matthieu Audoin ‒, on a crée l'association « Les voyageurs des cimes ». On s'adresse essentiellement aux enfants. La nature fait peur quand on ne la connaît pas ! L'idée était donc de l'approcher au travers une immersion dans la durée, de jour comme de nuit, de l'observer de près, d'apprendre à traduire et reconnaître les différents bruits comme l'aboiement du chevreuil, l'ululement de la chouette et bien sûr de s'intéresser de près aux arbres.

 

AB : la collecte de graines d'arbres fait partie du travail de votre association ?

SD : non, une fois de plus c'est une rencontre qui m'a permis de me lancer dans cette aventure ! Un ami pratiquait ce travail, je trouvais ça formidable et je me suis joint à lui. On est missionné par l'ONF en fonction des plantations prévues, des fructifications, des demandes du privé... C'est un job assez complexe, qui demande une bonne dose d'observation, parce que les graines doivent être récoltées à un moment bien précis. Beaucoup de facteurs interviennent tels que le vent, l'humidité, la température. Sur les conifères, les graines sont enfermées dans les cônes. Si les cônes sont ouverts, les graines s'envolent ! On doit donc les ramasser quand ils sont encore fermés. Cèdre, épicéa, pin, sapin... Après la grosse tempête dans les Landes, on a par exemple dû récolter beaucoup de graines de pin maritime. On ramasse aussi les graines de toutes sortes de feuillus. Érables, chênes, sorbier, cormier... Toutes les récoltes se passent en l'air, sauf pour le chêne. À force de récolter, on finit par connaître les arbres, les techniques, les moments, quand la graine est bonne ou pas, s'il y a une bonne fructification ou pas. Toutes choses qu'on a apprises sur le tas et à l'occasion par transmission des anciens ou d'agents de l'ONF.

AB : vous êtes nombreux à faire ce job ?

SD : on est seulement cinq ou six en France à travailler pour l'ONF,

On se connaît dans le milieu de la grimpe d'arbre et selon les besoins

on fait appel les uns aux autres. On vient de récolter pour la sècherie

de la Joux dans le Jura. Les agents de l'ONF y trient les graines, les

stockent, font des tests de germination, de fructification afin de

pouvoir vendre des graines de qualité. L'ONF utilise une partie des

graines pour ses propres plantations. Le reste est vendu à des

communes, des pépinières, des collectivités... Récolter des graines

de sapins pour cultiver des sapins de Noël, ou des graines de pins

maritimes pour l'industrie du papier est évidemment moins

réjouissant que de récolter des graines de cormier ou d'érable

en vue de plantations ou de la conservation d'essences forestières!

AB : pourquoi les graines se récoltent dans le haut des arbres ?

SD : beaucoup de graines se déplacent avec le vent. Elles ont donc

plus de chance de voyager en étant situées dans les cimes.

Les modes de pollinisation ne sont pas tous les mêmes. Certaines graines voyagent avec l'eau, l'aulne par exemple. La noix de coco aussi. Elle possède un gros coussin d'air autour d'elle sous forme de fibres, qui va permettre à la graine de traverser la mer. La graine de palétuvier a besoin de l'eau et du frottement avec le sable pour germer. Le lever de dormance (le moment où la graine va se réveiller) est différent pour chaque espèce. Chez nous c'est souvent le froid qui joue ce rôle, ce qui n'est forcément pas le cas pour les graines des pays tropicaux ! La graine du baobab, par exemple, doit passer par l'intestin du phacochère pour germer. La stratégie du chêne est de voyager grâce au geai du chêne, qui s'empare de la graine et la laisse tomber plus loin. Les graines voyagent soit avec le vent, soit avec l'eau, avec les animaux ou collées aux chaussures des humains. La collecte des graines est très réglementée aujourd'hui. Sur celles qu'on récolte par exemple, les agents de l'ONF mettent systématiquement le scellé. On ne peut les déplacer qu'avec un permis.

AB : pour raison commerciale ou environnementale ?

SD : les deux ! L'ONF vend des graines, mais les utilise aussi pour ses programmes de replantation. Il y a quelques années, on a récolté des graines de pin noir à Val Maravel, qui ont servi à recréer du sol là où plus aucun arbre ne poussait. Le pin noir a cette particularité de recréer du sol et de permettre petit à petit aux feuillus (chêne, érable, frêne, alisier...) de se redéployer. Mais on récolte pleins d'essences différentes, ce qui nous permet de visiter de très beaux endroits et de passer plusieurs jours et plusieurs nuits d'affilée en forêt !

 

AB : cette activité t'occupe toute l'année ?

SD : surtout en automne et en hiver. L'été, je travaille pour une agence de trekking en Norvège. Pour le reste, je travaille pas mal pour notre association « Les voyageurs des cimes ». Matthieu et moi sommes aussi adepte du jeu d'acteur/clowns. On a monté un spectacle pour lequel on a construit un vaisseau d'exploration végétale (l' « Helio Star ») qui permet d'explorer l'arbre à partir de l'intérieur. L'aspect poétique et artistique nous tient beaucoup à cœur, en juin je co-organise par exemple un stage de danse dans la nature avec Anaïs Revol, formée en danse singulière. Quand je suis dans le Diois, je me sens toujours un peu en vacances, c'est le moment où je me ressource, où je m'occupe aussi de mes abeilles...

AB : quelles sensations procure la grimpe dans les conifères, les feuillus ?

SD : les conifères on y grimpe presque comme sur une échelle, tandis que les feuillus ça part dans tous les sens. Dans leurs cimes, on se retrouve entouré d'un océan de verdure, comme plongé dans une mer d'arbres. Je vois beaucoup de liens entre la mer et la forêt. Sentir l'arbre bouger avec le vent c’est comme d’être sur un bateau. Le bruit du feuillage rappelle celui de l'eau, les couleurs aussi qui varient en fonction de la saison, de la lumière... La partie racinaire de l'arbre renvoie aux profondeurs marines. Me retrouver tout au-dessus dans les cimes, réveille mes souvenirs d'enfance et de mer et c'est toujours un vrai bonheur !

 

Lien vers l'asso "Voyageurs des cimes": http://www.voyageursdescimes.com/

Lien vers deux articles de journal 

Photo arrière-plan: Vincent Doucet

à ceux qui voudraient se lancer dans la grimpe d'arbre...

 

 

« Ça tombe sous le sens que travailler dans et avec les arbres nécessite d'être d'abord attiré par la nature, par l'environnement au sens large. Ensuite, qu'on veuille devenir élagueur, accompagnateur scientifique, éducateur en grimpe d'arbre, collecteur de graines, il faut être conscient que l'arbre est vivant, qu'on grimpe sur un être vivant ! Par conséquent, il s'agit de faire attention où on place ses cordes, ses points, comment on se déplace sur les branches. C'est un apprentissage comme n'importe quel autre, sauf que c'est bien de se rappeler que les arbres sont là depuis bien avant nous et y seront encore après nous. Ils occupent une place particulière dans toutes les cultures, ils font le lien entre le ciel et la terre, entre le monde des vivants et celui des morts. Marcher sur la terre, dans un environnement forestier, signifie marcher sur la part invisible de l'arbre. Les arbres gardent leur part de mystère ! »

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