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Originaire de la campagne lilloise, Laurence grandit dans une famille de cinq enfants. Très tôt, les questions du sens de la vie et de la communication s'imposent à elle. La rencontre avec le crayon, le dessin, l'art lui fait entrevoir la possibilité d'une expression libératrice. Cette « Voie de salut », la conduit à faire un BTS en Création Textile, puis à s'inscrire dans la section « Art monumental » des Beaux-Arts de Bruxelles. Lauréate d'un concours anglais destiné à aider de jeunes artistes, elle part un an à Rome, qu'elle sillonne à pied, des carnets de dessin dans la poche. La rencontre avec d'autres disciplines artistiques, et en particulier la danse, la fait voyager en Hongrie, au Maroc, en Chine, au Japon et en Haute-Savoie, où elle s'installe un temps. Les voyages ayant aiguisé son appétit de marche au cœur de la nature, quand elle arrive en Drôme et puis dans le Diois, c'est avec les propositions « Marche et dessine » déjà bien rodées, et le désir de créer des lieux où accueillir et expérimenter les passions des autres.

Laurence Medori

"Le lac, indéterminé". Peinture murale Galerie Le Carré, Lille 2007

"Les pierres". Cie la Pluie qui tombe, Nathalie Baldo, Roubaix 2004

Marche enCôte d'Armor, montage dessiné par l'édition "étendues", 2006

Traverser 3 heures, promenades collectives avec l'IUFM de Lille, 2004

 

Marche et dessine ou

Cheminer dans la nature pour rencontrer sa nature profonde

 

Anna Blum : Laurence, comment s'est imposée la décision de suivre une formation artistique après ton bac ?

Laurence Medori : le dessin, la peinture et la poésie ont été salvateurs pour moi. Du collège au lycée, je pratiquais beaucoup l'école buissonnière, les cours que je ne ratais pas étaient ceux des arts plastiques et Histoire de l'art de ma section « Lettres et arts ». Mon lycée se trouvait dans la même rue que les Beaux-Arts de Lille. J'y allais souvent. Cependant, la voir se fermer sous mes yeux m'a décidé à m'inscrire en BTS Création Textile à l'ESAT de Roubaix. Là, j'ai réellement commencé à m'investir dans l'apprentissage. Ensuite je suis rentrée aux Beaux-arts de Bruxelles dans l'atelier « peinture monumentale », motivée par la rencontre de Franz Mabille, professeur formidable d'humanité !

AB : peinture monumentale égale peinture murale ?

LM : je pratiquais surtout au sol sur du papier de grands formats, mais toujours sur des grands formats. L'énergie de la colère, le feu dévorant qui m'habitait alors s'exprimait en forme, couleur, matière... J'ai développé un processus de vitesse durant trois années. Mes tableaux étaient joyeux, colorés et contenaient toujours des corps morcelés, fragmentés. Je me passionnais des recherches chronophotographiques de Muybridge dont je transposais les éléments de corps entrelacés en mouvement dans mes peintures. Je m'abandonnais totalement à ce processus créatif. Jusqu'au jour où j'ai été submergée par et dans l'acte créatif. J'ai pris conscience qu'au cœur de la submersion, ce qui arrivait sur le papier était précis, décidé, choisi. Quelque chose est/se construit au-delà du conscient, du tangible. En même temps a surgi la question de la vanité, du sens de créer. J'avais vingt-deux ans, le feu était toujours présent, mais le trouble provoqué par cette question m'empêchait de continuer à peindre !

C'est alors que j'ai pris mon zafu et je suis partie méditer au dojo zen proche des Beaux-arts. Dans cet état d'éveil spirituel s'est inscrite la certitude que le hasard n'existe pas ! À ce moment-là, j'ai aussi commencé la sérigraphie et la gravure. Ces modes de fabrication d'image par inversion m'ont permis de comprendre les processus de création de l'image y compris dans l'esprit et l'imaginaire. La gymnastique de la matière amène une gymnastique cérébrale intéressante.

AB : qui incite à ouvrir les frontières, à aller vers d'autres formes de création ?

LM : la dernière année aux Beaux-arts, j'ai eu la chance de

participer à une expérimentation au Théâtre Varia. Que

dessiner, comment dessiner, quand tout bouge ? Cette

expérience fabuleuse m'a permis de revenir en douceur

à la peinture de grands formats, dans lesquels je glissais

mes croquis de corps en mouvement. À cette époque,

j'ai aussi réalisé des variations autour du ciel en sérigraphie,

à l'aquarelle et aux crayons de couleur. Cette œuvre m'a

permis d'être une des douze lauréats du concours anglais/

belge « Water's Aid », destiné à aider des jeunes artistes à

voyager en Europe. Chacun des participants au concours

devait choisir une destination et motiver son choix. Le mien

a été Rome. Je voulais voir les peintures du Caravage en vrai,

me balader dans les catacombes, découvrir la ville éternelle...

Je suis restée un an à Rome. Je logeais à l'Academia Belgica.

J'y rencontrais d'autres artistes, mais aussi des chercheurs,

philosophes, linguistes, archéologues...

D'autres points de vue éclairaient la vie. Ils étaient aussi curieux de ce que je faisais, que moi je l'étais d'eux. Cela m'a donné confiance que ce que je créais donnait du sens aux autres. Vivre à Rome c'était aussi inscrire les oeuvres d'art dans un contexte historique, découvrir les strates d'histoire qui révèlent une étonnante cohérence quant aux lieux investis. En sillonnant la ville à pied, j'ai réalisé cinq carnets en noir et blanc dans d'anciens livres. Nourrie de la notion de Palimpseste (*), je procédais par couche successive. En parallèle, j'ai réalisé en atelier, une gamme colorée géante « I colori di Roma ou après la pluie le beau temps », composée de deux-cent-cinquante éléments couleur, marouflés sur planchettes de bois. À Rome j'ai éprouvé pour la première fois l'incorporation aux paysages au travers de la contemplation et de la marche.

AB : le rôle du corps en mouvement dans l'acte créateur est apparu à ce moment-là dans ta recherche ?

LM : de retour à Lille en 1995, je me suis investie dans les débuts de l'association La Malterie, réunissant quarante ateliers d'artistes plasticiens, musiciens, cie de danse et de théâtre et je me suis installée dans une petite maison d'ancienne courée ouvrière, dont la cour était gérée collectivement. Une de mes voisines danseuse explorait le corps en mouvement par les techniques Alexander au sein d'un groupe de recherches. J'ai rejoint ce groupe par le dessin. L'espace, les directions, les rythmes, les lignes, les couleurs... sont des questions communes aux deux disciplines. Un jour, les danseurs m'ont invité à les rejoindre. Si j'étais très curieuse de culture, de danse, j'étais coincée, inexistante dans mon corps et j'ai ressenti le besoin de m'investir davantage dans l'écoute interne de celui-ci. J'ai trouvé l'annonce d'un stage de Bodyweather et j'ai suivi intensément cette voie d'exploration avec Frank Van de Ven et Christine Quoiraud de 1997 à 2003.

En parallèle je me suis initiée au Shiatsu puis, à partir de 2004 au TaiJi Chuan et au Qi Gong que je transmets maintenant dans mes stages. Ces disciplines m'ont fait comprendre que la dimension spirituelle était primordiale pour moi. Cela m'a apporté la structure et l'assise intérieure dont j'avais besoin. Mon « Marche et Dessine » est un hommage au « Marche et danse » de Christine Quoiraud. En 2003, en Hongrie, Christine m'a proposé un solo dessin lors de la performance dansée, je suis allée chercher du fil et des adhésifs pour tracer l'espace. Suite à ça, de 2004 à 2011, j'ai déployé le dispositif mobile de performance « Furtive Figure : film, lumière et dessin », avec pour outils les lieux investis, les lumières de rétroprojecteurs et la coopération avec des musiciens et des danseurs.

 

AB : en quoi consiste le « Bodyweather » ? Pourquoi une « Météorologie du corps » ?

LM : cette pratique a été créée par le danseur improvisateur japonais, Min Tanaka. Le Bodyweather propose de libérer le corps de ses habitudes de fonctionnement, en questionnant les perceptions, les limites et les hors limite, en étant à l'écoute des interactions entre le corps, l'environnement, le vent, la lumière, le silence, la pierre...

AB : c'est ainsi qu'est advenu le désir, le besoin de nature ?

 

LM : la plupart du temps, mes expériences du corps en improvisation étaient liées à la nature. De plus en plus souvent je partais en voyage, loin ou pas loin, pour marcher et dessiner. Progressivement, je ne trouvais plus de joie à vivre en ville. Plutôt que d'expositions, je rêvais de jardins potagers ! Je passais beaucoup de temps à observer les plantes, les roches, les vents... En 2003, en parcourant le sentier des douaniers en Bretagne, des expériences très fortes de conscience modifiée m'ont indiqué que c'était ce que je désirais transmettre dans mes ateliers. Cinq ans plus tard, en Haute-Savoie, c'est au coeur des montagnes que j'ai proposé mes premiers stages « Marche et dessine », tout en continuant à professer en tant qu'artiste intervenante en arts plastique dans les écoles et les musées, ainsi qu'en Centre de Détention et Centre Hospitalier, avec des propositions artistiques interdisciplinaires.

Activités que j'avais commencées dans le Nord-Pas-de-Calais, avec le soutien de la DRAC. Deux années d'ateliers d'Arts visuels avec des aveugles furent des plus surprenantes, initiatrices et enthousiastes.

AB : ce sont ces stages que tu proposes ici ?

LM : de la Haute-Savoie, je suis arrivée en Drôme en 2012 où j'ai eu l'opportunité de m'occuper des Gîtes du Frachet à Omblèze. L'ancien rêve « atelier logement où je développe créativité et accueil des projets des autres » prend forme. Maintenant, avec mon compagnon, nous mutualisons nos compétences dans la continuité de l'art de vivre et d'oeuvrer avec dame nature en ces lieux à la fois grandioses, puissants et doux du plateau de Soubreroche sur la commune de Boulc. Nous sommes heureux d'y semer, planter, chanter, danser et y accueillir les projets de groupes, stages, séminaires, familles et résidences d'artistes.

(*) Palimpseste: manuscrit sur lequel un nouveau texte a été écrit, après avoir effacé le premier.

www.soubrerochelesgites.com

http://www.marcheetdessine.com/

 

Photos des oeuvres: Laurence Medori, photos de Laurence: Anna Blum

à ceux qui voudraient se lancer dans l'aventure ! 

 

" Réaliser les rêves de l'enfance qui sommeille en nous, cette enfance au delà du temporel des âges ! Être confiant dans le processus de la vie qui nous appelle et nous sourit en osant suivre la voie des intuitions créatives nous faisant signe sur le chemin. 
Quand je suis en paix, c'est que j'ai fait le bon choix ! Vide et plein : lâcher prise à l'essentiel du geste, du point et de la ligne. Honorer visible et invisible en couleur, simplicité et joie. Offrir et partager les découvertes, les écueils et les richesses avec clarté et précision de l'intention émise. Être vrai, entre connu et inconnu : AIMER"

Laurence Medori
 

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