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La communication non violente (communication consciente)

ou comment cultiver l'empathie

Claire Commarmond

 

 

Originaire des monts du Lyonnais, Claire rencontre René (son futur époux) lors de son bac en agriculture à Dijon. Après avoir vécu douze ans dans la Marne, ils décident d’acheter une ferme dans le Haut-Diois. Le lieu répondait à leur désir d’ailleurs, et se prêtait idéalement à l’accueil d’une famille avec quatre enfants. C’était il y a vingt ans...

 

Anna Blum : Claire, qu’est-ce qui t’a poussé à te former en communication alors que tu es agricultrice ?

Claire Commarmond : j’étais très investie dans mon lieu de vie, la commune, des associations, et assez vite j’ai été confrontée à des difficultés qui m’ont poussé à me dépasser, à chercher un outil de communication qui me permettrait de sortir par le haut de la véritable impasse dans laquelle je me trouvais. La Communication Non Violente ou communication consciente (comme l’appellent les Canadiens) se diffusait en France à ce moment-là, et j’ai décidé de me former à cette approche, développée par Marshall B. Rosenberg et détaillée dans son livre « Les mots sont des fenêtres... ou bien des murs ».

AB : en quoi consiste concrètement cette technique ?

CC : la CNV comprend quatre étapes bien précises, basées sur un élément fondamental, l’apprentissage de l’esprit d’empathie. La première étape concerne l’observation, être capable de différencier nos jugements, nos interprétations de la pure observation des faits.

 

AB : ce qui nécessite déjà l'habitude d'une certaine introspection ?

CC : souvent j’invite à imaginer nos yeux comme une caméra. Une caméra qui filme sans commentaires. Avec l’illustratrice Julie Mellan, nous avons créé une bédé « Aller ∞ Retour vers de nouveaux horizons ». J’y prends l’exemple d’une famille réunie autour de la table. La fille se lève en plein milieu du repas, repousse son assiette et monte dans sa chambre. L’observation pure pourrait s’arrêter là. Mais, le commentaire intérieur de la maman sera : ça y est, elle s’enferme encore dans sa chambre (alors qu’elle ne sait pas si la porte est fermée à clef !), elle tire encore la gueule, elle va tomber malade, etc. Il est pourtant essentiel de différencier les jugements des faits objectifs, parce qu’en fin de compte nos commentaires intérieurs vont venir influencer notre sentiment. En se basant sur les seules observations (la fille quitte la table au milieu du repas, après avoir repoussé son assiette), dans l’absolu, la maman pourrait se réjouir de ce que sa fille se montre capable de prendre du temps pour elle...

AB : est-ce bien réaliste ? Dans ton exemple, sa façon de quitter la table, de

repousser son assiette, de claquer les portes, donne tout de même des indi-

cations claires sur son humeur ?

CC : bien entendu ! Tous ces éléments vont donc venir affiner l’observation

pure des faits. Au plus l’observation se précise, au plus nos chances de

comprendre le besoin caché derrière nos ré-actions augmentent. L’obser-

vation comporte cet intérêt de nous faire endosser la responsabilité de ce

qu’on voit et de ce qu’on vit, sans vouloir l’imposer aux autres. Pour les

personnes assises autour de la table, si les observations des faits sont

identiques, les ressentis apparaîtront tous différents parce que les com-

mentaires intérieurs de chacun le sont. Ce qui nous amène à la deuxième

étape, comment je me sens avec ce que j’ai observé ?

AB : prendre conscience de ses propres émotions tu veux dire ?

CC : l’important est de faire un retour complet sur soi, de se retrouver vrai-

ment « chez soi ». Si dans mes commentaires intérieurs je remets encore la

faute sur l’autre, ou que je lui attribue tel ou tel défaut, je ne suis pas dans

mes vrais sentiments, je ne prends pas encore la responsabilité de ce qui

m’habite. Dans notre exemple, au lieu de me dire « ma fille me tire la gueule,

elle me déteste », le sentiment à découvrir pourrait relever de la tristesse, de

la colère, se sentir démuni-e... et peut-être pointer vers le besoin de sécurité.

AB : déterminer le besoin qui se cache derrière nos sentiments constitue dès lors la troisième étape ?

CC : oui. Tous les êtres humains ont les mêmes besoins fondamentaux. On a tous besoin de respirer, de nourriture, de sécurité, de respect, de sens, de relations avec soi et avec les autres… Certains de ces besoins peuvent être en souffrance. Quand apparaît le besoin de sécurité, on choisit souvent inconsciemment de couper le lien, afin de se protéger. En CNV on considère que tous les besoins sont complémentaires. On va donc réfléchir à adopter une stratégie nouvelle, qui respectera tous nos besoins, y compris celui de la relation aux autres (et à plus forte raison la relation avec nos enfants !)

AB : la quatrième étape nous invite ensuite à l’action ?

CC : la dernière étape concerne la demande. Quelles actions je me demande à moi-même et/ou à l’autre de mettre en œuvre pour nourrir mes besoins. En sachant que quand on est deux ou plusieurs, l’intention de comprendre et nourrir les besoins des autres va de pair. J’entre alors dans une attention particulière qu’on nomme en CNV « l’esprit d’empathie », qui est une forme de compréhension du cœur.

 

AB : ce n’est pas simple d’intégrer tout ce processus, qu’il devienne naturel dans nos relations avec les autres !

CC : oui, ça ne se fait pas en un coup de baguette magique. Je me forme depuis quinze ans pour m’approprier, expérimenter de nouvelles demandes, de nouvelles connaissances, prendre de plus en plus la responsabilité de ce qui m’habite, d’être capable de différencier le « elle me rejette » du « je suis triste ». Je suis l’unique responsable de ce qui m’habite ! L’autre, à un moment donné, représente le facteur déclenchant pour moi et qui se situe dans le champ de l’observation. Le sentiment, le besoin et la demande n’appartiennent qu’à moi. Les questions que l’on peut se poser : « comment je me sens ? et ensuite  quel besoin est en lien avec mon sentiment et qu’est-ce que je mets en place pour combler ce besoin ? » La CNV invite à la créativité ! Il y a plusieurs manières de donner et de recevoir de la chaleur humaine, quand le besoin pointe vers plus de relations avec les autres par exemple.

 

AB : en quoi consiste la formation à la communication consciente ou CNV ?

CC : chacun détermine son rythme d’apprentissage. Un certain nombre d’heures de formation sont nécessaires. Personnellement, en plus des modules de base, j’ai suivi ceux de médiation, de relation d’aide axés sur l’accompagnement dans la détresse. J’ai participé à des stages avec Marshall B. Rosenberg, Anne Bourit et bien d’autres formateurs. J’ai aussi beaucoup appris en étant assistante de formatrices certifiées. Les stages sont l’occasion d’apprendre à s’écouter, à écouter l’autre et à cultiver cet esprit d’empathie. On expérimente les quatre étapes, on se glisse dans des jeux de rôle, on devient cette oreille attentive qui invite à descendre en soi pour nommer les besoins cachés derrière nos commentaires intérieurs. On s’exerce à trouver des chemins satisfaisants pour nourrir les besoins.

AB : quels sont les domaines d’application de la communication consciente ou CNV ?

CC : la santé, l’éducation, la famille, l’entreprise, les associations, la relation d’aide... Dans le domaine de la santé, la CNV favorise par exemple les relations entre le personnel soignant et les personnes soignées, entre infirmières et médecins. Dans le domaine de l’éducation, un programme spécifique est destiné aux enseignants pour améliorer leur communication vis-à-vis des élèves.

AB : une aide précieuse pour traverser les périodes difficiles telles que l’adolescence, par exemple ?

CC : travailler individuellement avec un jeune ne peut en aucun cas consister à vouloir « le faire entrer dans les rangs » ! L’approche concerne par conséquent autant les parents ou un adulte qui l’entoure, que le jeune. Dans les autres domaines, la médiation individuelle est utilisée en cas de problèmes pressentis ou avérés (relation de couple par exemple). Il est toujours préférable d’intervenir en amont quand c’est possible.

AB : peut-on imaginer améliorer la vie collective, le vivre ensemble avec cette approche ?

CC : oui, améliorer la vie de famille, la vie dans une association, une entreprise est à la portée de chacun de nous. Marshall B. Rosenberg s’investit depuis des années auprès des acteurs des grands conflits mondiaux. Le conflit israélo-palestinien, celui des Tutsis et Huttus, le conflit des Balkan entre Serbes et Croates... Il s’est engagé à fond dans ce travail de longue haleine avec des réussites et aussi des échecs, parce qu’il touche à des choses profondes. Si les victoires s’avèrent fragiles, l’espoir existe cependant. Le centre mondial de la CNV ne cesse de prendre de l’ampleur et personnellement, je constate que de plus en plus de personnes cherchent à s’approprier cette démarche pour communiquer différemment et aller à la rencontre d’eux-mêmes et ça, c’est magnifique !

 

Lien vers la bédé de Claire et Julie : https://www.facebook.com/pages/Bleuets-et-Coquelicots/276350312575665

 

Lien vers l’émission sur l’empathie sur rdio RDW : http://www.rdwa.fr/019-Radio-medium_a4576.html

photo prise à RDW lors de l'émission par Tilleul Erb

 

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