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Jenny et le serpent

Les derniers colchiques agonisent sous la neige.

Jenny range ses ustensiles de travail : passoires, chinois, gaufriers, plaques à crêpes, langue de belle-mère, louches... La saison est terminée, c'est un fait. Plus personne n'arpente le remblai longitudinal, appelé Château-Fort en période touristique et Trou à Rats en hiver. Elle nettoie la baraque avec zèle. Les lavettes reloquètent, les éponges crissent, un seau d'eau bouillante fume sur le zinc. Jenny ne ménage pas ses efforts, elle sait qu'elle va pouvoir s'amuser tout l'hiver. D'y penser lui donne du coeur à l'ouvrage. 

 

Quelques centaines de mètres en contrebas, la vipère Aspic tourne trois fois sur elle-même. Les proies deviennent rares. Le soleil n'arrive plus à chauffer les pierres. Elle sent son énergie baisser dangereusement, ce qui a des conséquences désastreuses sur la mécanique des os de la mâchoire, son outil de travail (à mi-chemin entre la pirouette de l'agriculteur et le plan incliné de Ronquières). Le temps est venu de disparaître. Se terrer jusqu'à ce que le printemps revienne. Pas de soleil, pas de provende. Pas de mangeaille, pas de bougeotte. Pas de bougeotte, pas de provende. Bref. En un mot comme en cent : tu fais le mort, sans quoi tu y laisses ta peau.

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