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L'Aïkido ou l'art martial de la paix

Florent 

 

Originaire de la région de Grenoble, Florent y suit son parcours scolaire, y passe son bac, puis part en Inde avec un ami. À son retour, il ressent le besoin d’une pratique qui relie corps et esprit. Il s’inscrit à la faculté de philosophie de l’université, où il retrouve une prof de son lycée qui enseigne à la fois la philo et donne des cours d’aïkido. À partir de ce moment-là, des passeurs de ce qui devient sa passion jalonnent son chemin...

 

Anna Blum : tu as continué la pratique au club de ta prof de philo ?

Florent Mochet : j’ai très vite ressenti le besoin de pratiquer plus. Je fréquentais donc aussi les clubs aux alentours de la faculté. Puis j’ai arrêté les cours à l’université pour suivre un BTS en gestion et protection de l’environnement. Là aussi un des profs pratiquait cet art martial. Et enfin, à l'endroit où j’ai effectué mon stage et où je continue de travailler en tant qu’animateur et éducateur dans le domaine de l’environnement, j’ai rencontré celui qui est toujours mon prof d’aïkido à Die, Bernard Julien.

AB : depuis combien d’années pratiques-tu ?

FM : j’ai commencé quand j’avais vingt ans. Ce qui signifie douze ans de pratique maintenant.

AB : il y a quelques années tu es parti plusieurs mois au Vietnam. Tu voulais y rencontrer un maître ?

FM : c'était surtout pour voyager, mais quand je pars, je prends toujours mon kimono. Pratiquer l’aïkido, ressemble à faire de la musique ensemble. On développe un langage commun au travers d’une passion commune.

Dans le cas de l’aïkido il s’agit bien entendu du langage du corps. Le Vietnam, c’était grâce à mon prof ici à Die qui a des origines vietnamiennes. Là-bas, il a rencontré une enseignante extraordinaire, qui travaille avec une vingtaine de handicapés. Des trisomiques, des aveugles, d’autres handicaps... J’avais très envie d’aller la voir. Malheureusement, je n’ai pas pu la croiser. Mais j’ai travaillé avec son mari qui pratique dans le même esprit.

AB : en quoi consiste l’esprit de l’aïkido, ça se rapproche du bouddhisme ?

FM : la grosse différence avec la plupart des arts martiaux, réside dans le

fait que l’aïkido est pacifiste. Il ne vise pas l’attaque. L’attaque n’est simulée

que pour donner l’opportunité d’apaiser le conflit. Le fondateur de l’aïkido

était Japonais. Il pratiquait le shinto et le bouddhisme et est parti des arts

martiaux traditionnels pour développer un art de la paix.

AB : quel aspect de ta pratique t’aide le plus au quotidien ?

FM : difficile d’y mettre des mots ! Mais peut-être juste de se détendre et se

recentrer dans des situations de stress, ce qui amène une certaine qualité de

présence.

AB : comment se déroule une séance d’aïkido ?

FM : on commence d’abord avec un échauffement, une mise en corps. Les

mouvements d’étirement, de respiration se rapprochent du yoga ou du do-in

(gymnastique japonaise où on presse, étire des points situés sur les méri-

diens). L’idée consiste à se rendre disponible à ce qui est, à ce qui se passe.

La séance ensuite se pratique à deux. Une des deux personnes prend le rôle

de l’attaquant. L’autre va réaliser la technique d’aïkido sur le mouvement d’at-

taque. L’apprentissage vise à rester en relation avec l’attaquant sans s’op-

poser à lui, sans s’enfuir, mais au contraire d’induire, d’amener une résolution

pacifique.

AB : avec quoi précisément de l’adversaire entre-t-on en relation ? Sa force

physique, son énergie, son agressivité ?

FM : avec tout ce qui le constitue ! Son mouvement, son énergie, sa psycho-

logie... La question est de voir ce qu’on en fait. L’attaquant nous offre quelque chose qui va nous permettre d’évoluer, de progresser. Il s’agira à la fois de trouver la position pour ne pas que son intention nous nuise et ne lui nuise pas non plus. Trouver l’endroit où on sera à l’abri tout en préservant la relation, jusqu’à trouver une solution pacifique ensemble.

AB : une attitude qu’on peut ensuite expérimenter dans la vie courante lors d’une agression par exemple ?

FM : il faut le comprendre au sens large. Je ne pratique pas dans l’idée que je vais pouvoir me défendre dans la rue. L’aïkido m’apporte beaucoup plus que ça, y compris pour tout ce qui relève de l’agression verbale, psychologique ou même la violence qu’on exerce contre soi-même ! Vivre une relation sans rien refuser, rester en contact avec une énergie donnée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AB : un peu comme dans le judo où on utilise l’énergie de l’autre ?

FM : oui peut-être, mais sans l’idée de compétition. Dans le judo on va essayer d’utiliser l’énergie de l’autre pour l’amener au sol. Dans l’aïkido il n’y a pas d’intention, pas de volonté sur l’autre. Toute volonté se manifeste sous la forme d’une certaine violence. Amener quelqu’un au sol par exemple, se manifestera par des tensions physiques qui automatiquement nous coupent du mouvement du partenaire. Le fait de travailler avec un partenaire oblige aussi à rester dans le physique, dans le corps. On va moins s’imaginer des choses. On est obligé de « garder les pieds sur terre ». Le partenaire est en quelque sorte un miroir parfait. Il nous oblige à nous situer complètement dans le moment présent et nous informe en continu sur notre état de détente par exemple. L’aïkido est avant tout un art de la détente, de l’écoute, de la non-violence.

AB : on ressent là toute l’influence de la spiritualité orientale, pour laquelle corps et esprit ne sont pas séparés. Les moines bouddhistes pratiquaient l’aïkido ?

FM : non, l’aïkido est né pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est peut-être en réaction à toute cette violence déclenché par la guerre, que le fondateur a transformé sa pratique en un art de la paix.

AB : n’est-ce pas un peu abusif d’appeler dès lors l’aïkido un « art martial »?

FM : l’apport de la martialité dans l’aïkido consiste à fournir un cadre. À l’origine il s’agissait d’un cadre de vie ou de mort. On va travailler à partir d’une attaque. Mais la réponse à l’agression n’est jamais agressive. On ne va pas surenchérir. Tout en cherchant à préserver sa vie et sa vie de l’autre. L’idée est qu’au travers de l’attaque se manifeste une envie de rencontre, et comment agit-on pour que cette rencontre ne se termine pas mal.

 

AB : considérer l’apport de l’agresseur comme une envie de rencontre, ou comme un don, change du tout au tout la nature du conflit, c’est assez révolutionnaire ! Ce qu’on nous apprend ne ressemble pas vraiment à ça !

FM : oui, et se situe à l'inverse même de nos réflexes corporels ! Dans l’aïkido on va à la rencontre de l’attaquant et de l’attaque. On va désapprendre nos réflexes et réapprendre à agir d’une autre manière. L’entraînement parle donc avant tout au corps. Et le corps petit à petit va nous faire comprendre comment réagir « spontanément » d’une autre manière !

AB : tu n’envisages pas de faire de ta passion ton métier ?

FM : de temps en temps je remplace mon prof. J’ai passé quelques formations pour pouvoir enseigner. Et dans peu de temps je passe une formation pour enseigner à des personnes handicapées. Le fait que l’aïkido ne comporte pas de compétition rend la pratique accessible à tous, quels que soient l’âge ou les capacités physiques de la personne.

AB : c’est formidable d’imaginer qu’une personne qui habituellement constitue un « problème » à cause de son handicap, devienne tout à coup la solution dans une relation conflictuelle !

FM : les personnes handicapées sont souvent plus sensibles, grâce à l’empathie qu’elles ont dû développer dans leur vie quotidienne. Cette ouverture, cette sensibilité les sert au moment d'entrer en relation avec l'autre. S’ouvrir au handicap est un des challenges de notre club de Die, et j’estime que j’ai beaucoup de chance de faire partie de l'aventure !

 

Lien vers le Musubi Dojo de Die: http://aikidodie.farmserv.org/

 

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